Au commencement, un drame rapporté presque par tous les médias du monde : une Britannique d’origine congolaise, répondant au nom de Belly Mujinga, employée des chemins de fer britanniques à la gare de Victoria à Londres, est morte du nouveau coronavirus, en mars dernier, après qu’une personne prétendant être contaminée lui a délibérément craché dessus.
Un mois après, en Tunisie, plus exactement à la mi-avril 2020, des agents de police de la région de Kébili (sud de Tunisie) ont failli connaître le même sort n’eussent été des mesures de précaution mises en place.
Abou Sarra
En effet, soumise à un contrôle administratif, une personne ayant les symptômes du coronavirus a avoué avoir été embrigadée par un élément terroriste pour cracher, éternuer et tousser tout près des forces de l’ordre, au moment de son arrestation. Son but était clair : contaminer les agents de l’ordre.
Selon le communiqué publié à cette époque par le ministère de l’Intérieur, “l’instigateur a été placé en garde à vue, tandis que la personne arrêtée a été soumise à la quatorzaine“.
Si nous avons rappelé ces deux incidents, c’est pour attirer l’attention sur le crachat en tant que facteur de transmission de la Covid-19 dont aucun remède n’a encore été trouvé jusqu’à ce jour, virus qui pourrait même «ne jamais disparaître», selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’où l’enjeu pour les autorités sanitaires du pays de porter un intérêt particulier, en cette période contre le virus, à ce problème de santé publique.
Le crachat, un sport national en Tunisie
Et ce d’autant plus que le crachat en Tunisie est un véritable sport national.
Pour s’en rendre de compte, il suffit de s’arrêter, durant quelques minutes, au niveau de n’importe quelle artère de la capitale pour voir des jeunes et moins jeunes cracher dans l’espace public, presque naturellement, sans aucune gêne et sans aucune discrétion, voire dans le mépris de toute règle d’hygiène et de civilité élémentaire.
Signe de sous-développement avancé et de pollution de l’environnement, le crachat comme vecteur de transmission d’autres épidémies comme la tuberculose est pourtant incriminé en Tunisie. Le décret du 10 avril 2017 prévoit une amende de 40 dinars pour toute personne surprise en train de cracher dans l’espace public. Malheureusement, à défaut de campagnes de sensibilisation soutenues et de contrôle de proximité, cette loi s’est avérée difficilement applicable.
L’habitude de cracher, sous prétexte que «c’est bon pour la santé» parce qu’il débarrasse le corps d’excroissances, est encore tenace dans les villes tunisiennes, et surtout dans les campagnes rurales.
Néanmoins, il faut reconnaître que le phénomène du crachat dans l’espace public n’est pas propre à la Tunisie.
Lors des Jeux olympiques de 2008 de Beijing en Chine, le pays avait mis à profit cet événement pour se présenter au monde comme un pays civilisé. A cette fin, il a dû investir énormément pour éradiquer les mauvaises habitudes des Chinois dont celle du crachat dans l’espace public.
De nos jours, les Chinois, réputés depuis longtemps pour être un peuple de cracheurs, ont plus ou moins réussi leur pari. L’essentiel c’est qu’ils sont sur une trajectoire positive.
La Tunisie, destination touristique par excellence, appelée à s’adapter aux normes d’hygiène des touristes qu’elle accueille, n’a d’autre solution pour tirer le meilleur profit de cette industrie que d’ériger la lutte contre le crachat dans l’espace public en véritable stratégie.
Est-il besoin de rappeler que le spectacle d’une personne qui rejette un mollard par la fenêtre de sa voiture, sur le trottoir ou dans n’importe quel espace public est la pire image que les Tunisiens donnent souvent au touriste étranger. C’est un véritable traumatisme qui peut le pousser surtout à ne plus revenir dans le pays.
S’inspirer des expertises étrangères…
La démarche à suivre serait, à notre avis, de s’inspirer des expertises développées avec succès par d’autres pays. La France, qui interdit le crachat dans l’espace public depuis 1942, a connu ce phénomène depuis le XIXème siècle et est parvenue à l’éradiquer à la faveur d’une stratégie multiforme.
Elle a agi sur la législation, l’éducation, la sensibilisation et l’information sur la dangerosité du crachat. A titre indicatif, on lit dans un manuel consacré à cette époque aux microbes et destiné aux enseignants du primaire: « les microbes qui se mêlent à la poussière des rues sont plus dangereux que les loups, les tigres et les lions ».
En 1902, une circulaire ministérielle rend obligatoire l’instruction de l’hygiène dans les écoles de France. Il est dit aux enfants que : « En ne crachant pas par terre, vous pourrez empêcher votre papa et votre maman de tomber malades ».
Et pour être complet sur ce chapitre, on lit également sur une affiche du ministère français de la Santé publique de l’époque : « cracher à terre, c’est attenter à la vie d’autrui » avec une image de pierres tombales alignées dans un cimetière ». On trouve aussi « cracher par terre, c’est cracher sur son pays ».
Autant de messages forts qui peuvent interpeller la conscience des gens et les pousser, à tous les stades de leur évolution, à ne plus s’adonner à cette pratique rebutante qu’est le crachat dans l’espace public.