Il faut le voir pour le croire! Une sitcom diffusée durant ce mois de ramadan à une heure de grande écoute baptisée «Erra3is» et qui finit sur un geste obscène “assené” par un “prisonnier” à un «ministre de l’Intérieur» artiste de son état, chanteur et danseur occupant le poste dans une République baptisée pour l’occasion La République El Barmakli!
Tant il est vrai que la Tunisie est réellement devenue une République à la noix de coco quand on voit le laisser aller qui s’y produit et la décadence tous azimuts aussi bien des institutions de l’Etat, l’inefficience des instances constitutionnelles qui devaient, par la volonté des gouvernants islamistes et leurs alliés, s’y substituer et la montée en flèche des supports audiovisuels débauchés et dénués de toute morale et étique.
Les Tunisiens sont-ils tous tombés dans le vice du voyeurisme? Il semble bien que oui lorsqu’on voit le succès d’émissions telles «Andi Man kollik», «Moussamih karim» et «Labess».
C’est à qui mieux-mieux en matière de déchéance morale et de grossièreté! Est-ce cela la liberté d’expression dont rêvaient les Tunisiens? Si seulement ces séries et émissions télévisées pouvaient favoriser la réflexion morale! Mais non c’est tout le contraire qui se passe.
Regardez avant de critiquer. Le mois de ramadan est le plus propice à la découverte du “grand art dramatique tunisien” (sic). En zappant de chaîne en chaîne, on découvre oh quel malheur! “Arra3is” sur Attassi3a, une sitcom où en principe on s’attaquerait aux vices et mauvaises pratiques du président Ben Ali et son épouse Leila. Au lieu de tourner au ridicule les mœurs publiques et politiques qui ont auparavant miné le pays, c’est tout le contraire qui se passe. On les instaure et on les «officialise» ignorant au passage que les chaînes privées s’adressent au grand public et ne sont pas câblées et qu’à ce titre, elles lui doivent un minimum de respect. Les téléspectateurs attendent impatiemment le mois de ramadan pour admirer les «œuvres» de leurs grands créateurs (resic), je dirais pour l’occasion «charlatans». Auteurs de productions qui devraient peut-être se spécialiser dans les films, feuilletons ou sitcoms interdits au moins de 18 ans et diffusés à des heures très tardives pour éviter d’atteindre une jeunesse en mal d’exemples valorisants!
La sacralité supplantée par la vulgarité!
Mercredi 3 ramadan, mois sacré pour les Tunisiens, sur Al Hiwar et Attasi3a, la sacralité a disparu pour laisser place à la vulgarité. Et ceux qui voulaient railler ou critiquer les mœurs politiques ou sociales auraient dû se regarder dans une glace, juste pour voir le reflet que peut leur renvoyer le miroir de leur vénalité et leur misère morale. Nous avons eu donc droit à un Shamseddine Bacha qui s’est déhanché tout au long de la sitcom pour la terminer en beauté comme cité plus haut.
Nous avons pu voir à «Aouled Moufida» Badr qui menaçait sa mère avec un couteau pour l’obliger à lui avouer le nom de son vrai père étant lui-même «oueld hram» (un enfant illégitime) et lui demandant si ses autres frères l’étaient aussi… Pour ensuite rejoindre son ancienne amante, lui jeter de l’argent à la figure en lui disant qu’il voulait passer la nuit avec son fils et non avec elle (c’est une prostituée de luxe rentrée de Dubaï).
Nous ne sommes pas sortis de l’univers macabre et osons le dire bordélique. L’année dernière dans ce même feuilleton, une jeune fille a tué son père. Aouled Moufida, merci Sami El Fehri, est devenu l’exemple à suivre dans les collèges et lycées tunisiens, les jeunes veulent les imiter dans leurs manières, tenues vestimentaires et même tatouages et pratiques! ya tbarkallah !
Aujourd’hui nous avons «lerea», «reality show» sur Attassi3a qui encense les criminels et banalise le crime. Nos enfants s’identifient à ces personnages. A quoi bon la réforme de l’éducation!
Beaux exemples que nous avons là de la société tunisienne qu’on a décidé de réduire à un «complexe intégré» de bandits, de prostituées, de personnes de petites mœurs sans foi ni loi.
C’est comme si les producteurs et les réalisateurs de ces feuilletons et sitcoms minables nous disaient: si vous n’êtes pas vous-mêmes de mauvaises mœurs, eh bien nous allons vous les rendre aussi accessibles que possibles. Aucune moralité, aucun effort pour au moins donner l’espoir d’un retour au droit chemin, d’une possible victoire des valeurs justes et positives sur leur dégringolade. Et tout cela, pourquoi faire? Pour avoir le plus d’annonceurs possibles! Des annonceurs qui devraient eux-mêmes avoir honte de voir leurs marques apposées sur des productions aussi médiocres et dénuées d’un seuil minimum de bienséance et de politesse.
Les concepteurs des séries ramadanesques devraient prendre de la graine sur leurs «homologues» en Syrie, en Egypte et dans d’autres pays arabes. Dans ces pays, l’art est une vocation et non un commerce et les dramatiques toutes catégories confondues en sont les œuvres.
Sur un tout autre registre, nous avons des télévisions comme Al Inssan où le discours extrémiste et takfiriste est aussi dangereux pour les téléspectateurs dénués d’esprit critique et non outillés pour résister à l’endoctrinement que les télévisions de la débauche vendue au prix fort à des annonceurs soucieux de vendre leurs yaourts et leurs œufs en mettant à mort une échelle de valeurs malade depuis l’ère Ben Ali!
Comment pourrions-nous protéger nos jeunes de cette invasion télévisuelle incontrôlable et incontrôlée? Que fait la HAICA (il hayra)? Et qu’on ne nous remette pas de nouveau sur le tapis l’argument de la télécommande! Entendons-nous bien, les Tunisiens sont assoiffés de productions nationales de qualité. Ils les attendent impatiemment chaque mois de ramadan que Dieu fait et malheureusement ces dernières années, ils ne s’y retrouvent plus. Nous sommes très loin du feuilleton «El Khottabs Al Beb» tant en ce qui concerne la qualité du scénario, de la réalisation ou du jeu.
Dans une étude réalisée par Mélissa Thériault, professeure à l’Université du Québec, intitulée «A quoi servent les séries télé? Ou comment contribuer à un monde meilleur en restant dans son salon?», nous pouvons lire ceci: «La production audiovisuelle… fait de percevoir quelque chose qui n’existe pas et qui n’est pas sans conséquence: cela affecte nos représentations d’autant plus que le recours à des astuces techniques qui visent à appuyer des éléments narratifs… permettent de mettre l’emphase sur certains éléments par le truchement des affects. Les capacités immersives du médium (support) sont alors multipliées et nous sommes susceptibles d’être littéralement «happés» par l’histoire, bien plus qu’au théâtre, dont les limites visuelles sont plus prégnantes».
Ces commerçants de la «feuilletonite» nocive et virale dans notre pays sont-ils conscients du tort qu’ils font subir à une population désorientée et à une jeunesse en perte de repères identitaires?
A quand le grand éveil des Tunisiens? De la société civile? De ceux qui ne mélangent pas entre liberté d’expression et débandade morale?
Ali Ibnou Abi Taleb a dit: «hina sakata ahlou il hakki ani il batil, tawahama ahlou il batili annahom ala hak». (Lorsque les gens droits se sont tus, les malfaisants ont cru que ce sont eux qui étaient les plus droits).
Amel Belhadj Ali