La Constitution tunisienne n’impose pas de forme ni d’organe particuliers pour la justice transitionnelle

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La Commission de Venise considère que la Constitution tunisienne n’impose pas de forme ni d’organe particuliers pour la réalisation de la justice transitionnelle.

Elle relève, aussi, que la loi sur la justice transitionnelle, n’interdit pas non plus l’adoption d’une législation spéciale relative aux domaines économique et financier.

Sollicitée par l’Instance Vérité et Dignité pour émettre un avis sur le projet de loi de Réconciliation économique et financière proposé par la Présidence de la République, la Commission souligne qu’il est raisonnable que des mesures soient prises pour accélérer les procédures en cours, par exemple par le biais de la création d’une commission spécialisée chargée de s’acquitter des dossiers financiers, et ce dans le but de réaliser la justice transitoire dans les délais prescrits par la législation.

Toutefois, La Commission de Venise estime qu’un système de justice transitionnelle « à double voie » (devant l’Instance de la Vérité et de la Dignité et devant la Commission de Réconciliation) ne pourrait être compatible avec l’article 148 de la Constitution tunisienne qu’à condition que ces deux voies soient équivalentes, donc largement similaires, qu’elles puissent, les deux, atteindre les buts de la justice transitionnelle énoncés dans l’ordre juridique tunisien et qu’elles respectent les principes d’un Etat de droit.

Par ailleurs, dans son rapport dont copie est parvenue à la TAP par l’intermédiaire de l’IVD, la Commission de Venise estime que la Commission de Réconciliation, prévue dans le projet de loi de réconciliation économique, ne présente pas de garanties suffisantes d’indépendance.

De l’avis de la Commission de Venise, l’annulation de manière générale prévue à l’article 12 du projet de loi de « toutes les dispositions relatives a la corruption financière et au détournement de fonds publics mentionnées dans la Loi sur la justice transitionnelle est contraire au principe de la sécurité juridique ».

Elle risquerait de provoquer des conflits de compétence insurmontables entre la Commission de Réconciliation et l’IVD, ce qui ne saurait accélérer le processus de la justice transitionnelle, ni en améliorer l’efficacité, écrit la Commission.

Elle estime que la base juridique de l’IVD ne doit pas être modifiée d’une manière qui, en effet, rendrait ses travaux sans objet et, ainsi, compromettrait l’objectif de réconciliation nationale. La Commission rappelle, dans ce sens, que le fonctionnement de tout système de justice transitionnelle présuppose un large consentement.

Son succès est, en plus, étroitement lié a de nombreux facteurs, dont en premier lieu l’indépendance des instances – nouvelles ou déjà existantes – prévues pour sa mise en œuvre.

La Commission souligne, cependant, que si la loi de justice transitionnelle est considérée comme insuffisante pour atteindre ses objectifs, notamment dans les domaines économique et financier, une révision s’avère nécessaire, ce qui relève de la compétence du législateur, en respectant le cadre du droit supérieur.

Il va de soi qu’un tel projet de loi ne pourrait être élaboré qu’en collaboration avec la société civile et les institutions compétentes en la matière, notamment l’IVD. La Commission de Venise s’est déclarée prête à collaborer avec les autorités tunisiennes dans le but de proposer des amendements au projet de loi à la lumière des recommandations contenues dans cet avis, relevant que les représentants du Président de la République ont exprimé leur disponibilité à travailler avec la Commission.

La Commission de Venise a été instituée en 1990 par le Conseil de l’Europe en vue de fournir des conseils juridiques à ses Etats membres et, en particulier, pour aider les Etats qui souhaitent mettre leurs structures juridiques et institutionnelles en conformité avec les normes internationales dans les domaines de la démocratie, des droits humains et de l’Etat de droit.