Comment reprendre en main 149 mosquées échappant encore au contrôle du ministère de tutelle, un peu partout dans le pays? Une commission quadripartite est à pied d’oeuvre au ministère des Affaires religieuses pour tenter de réussir cette gageure.
Cette commission groupe en son sein, outre le principal département concerné, des représentants du ministère de l’Intérieur, du ministère de la Justice, et du chargé du contentieux de l’Etat.
Selon le chef de cabinet du ministre des Affaires religieuses, Abdessattar Badr, la commission est en train de passer au crible la situation des lieux de culte concernés, au rythme de 15 à 19 mosquées par semaine.
Elle procède, au fur et à mesure, à la désignation d’imams réputés modérés pour y officier. On escompte qu’à cette cadence toutes les mosquées pourront être « neutralisées », en trois mois, comme le prescrit la Constitution, tout comme la Feuille de route du Dialogue national.
Le ministère a déjà rétabli son autorité sur une vingtaine de mosquées ces derniers temps, précise dans une déclaration à l’agence TAP Abdessatter Badr qui, toutefois, fait état de la difficulté à trouver des cadres religieux qualifiés et modérés en nombre suffisant. Le plus important, dit-il, est que tout imam prédicateur ou tout autre préposé désigné s’interdise d’utiliser ses prêches à des fins partisanes, sa principale fonction consistant à expliquer aux fidèles les questions de la foi.
Le président du Syndicat national des cadres religieux, Fadhel Achour, avance un chiffre sensiblement plus élevé des mosquées encore hors contrôle.
En fait, explique-t-il à l’agence TAP, 216 mosquées sont dans ce cas, dont, il est vrai, « 149 représentent une menace immédiate pour l’ordre public, du fait des discours takfiristes qui y sont pratiqués et des incitations à la violence et au meurtre ». Les autres sont régentées par des gens non identifiés et de surcroît usurpant leur qualité.
A la question de savoir qui serait derrière l’étendue grandissante prise par ce phénomène qui touche différentes régions comme l’Ariana, Tunis, Bizerte, Siliana, Le Kef, Kerkennah, Ben Guerdane ou encore Djerba, il est catégorique: « Un parti en particulier est derrière ce chaos, mais aussi des groupes d’influence » de diverses obédiences, y compris progressiste et démocrate.
Achour n’hésite pas à désigner la Mosquée de la Zitouna comme tête de peloton des mosquées qui propagent le discours takfiriste, arguant du fait que le premier responsable de cette institution se réclame d’une tendance idéologique « connue de tous », d’après sa qualification. A la question de savoir quel genre de solution pourrait mettre fin à la gabegie dans les mosquées, il ne voit pas d’alternative à une application rigoureuse de la loi de 1998 sur les mosquées, « pour peu que la volonté politique effective y soit », ajoute-t-il.
Le premier imam de la mosquée de la Zitouna ne partage pas du tout ce point de vue. Comme le proclame dans une déclaration à l’agence TAP, Cheikh Houcine Labidi est pour « l’autonomie des mosquées ».
Il préconise la mise en place de comités de gestion des mosquées, dans tous les quartiers, « quitte à ce que leur composition soit subordonnée à l’approbation de la Présidence du gouvernement » et que « la Mosquée de la Zitouna organise les tests de compétence des cadres religieux et autres imams pressentis ».
Le Cheikh se défend de tout discours takfiriste ou extrémiste et nie avec force vouloir jouer un rôle politique, réfutant ainsi les accusations portées contre lui par le président du syndicat des cadres religieux.