Hafedh Caid Essebsi : “Je ferai ce que me dira mon père”

nidaatounes-hafedhcaidessebsi-marchecontreleleterrorisme-022015Objet de vives critiques, ces jours-ci, Hafedh Caïd Essebsi (HCE), vice-président de Nidaa Tounes et fils du président de la République, a décidé de sortir de son silence en accordant, mercredi 11 novembre, une interview bon enfant à «la chaîne de la famille» Nessma TV.

L’interviewé a passé le plus clair de l’entretien à tirer à boulets rouges sur son pire ennemi apparemment, le secrétaire général du parti, Mohsen Marzouk et à embaumer son père le qualifiant, entre autres, de «démocrate de première heure» et de «président démocrate et progressiste».

Néji Jalloul, leader de Nidaa Tounès et actuel ministre de l’Education, ne croyait pas si bien dire lorsqu’il avait assimilé la rivalité qui oppose la progéniture du président de la République et le secrétaire général du parti à une simple «bagarre de quartier».

Au plan du contenu cette interview a révélé de manière éloquente trois choses: l’indigence de la pensée politique au sein de Nidaa Tounès, l’animosité qui règne entre ses membres et la nostalgie pour certaines pratiques scandaleuses au temps de Ben Ali.

Vide idéologique

S’agissant de l’apport idéologique du parti, Essebsi Junior n’a à aucun moment évoqué la raison majeure pour laquelle Nidaa Tounès et son président historique ont été élus lors des dernières élections, s’agissant notamment du rejet d’Ennahdha, et à travers elle, l’islam politique qui a été à l’origine de tous les problèmes que connaît, aujourd’hui, le pays: émergence du terrorisme et du crime organisé, récession économique, recrudescence de la corruption et de la contrebande.

A aucun moment il n’a parlé ni de programme économique, ni de culture, ni de géostratégie régionale (Libye, Algérie…). Il donnait l’impression qu’il portait des œillères et qu’il n’avait qu’une seule fixation: dénigrer Mohsen Marzouk et tenir à son endroit le discours le plus réducteur possible.

Et lorsqu’il lui est arrivé d’aborder l’avenir du parti Nidaa Tounès et l’organisation de son congrès, il ne retient que le côté bureaucratique en ce sens où le congrès sera constitutif ou électif. Quant aux programmes et aux idées qui peuvent faire rêver les Tunisiens, silence radio.

Une fixation, dénigrer Mohsen Marzouk

Concernant l’animosité qui prévaut au sein de Nidaa Tounès, Hafedh Essebsi s’est montré très éloquent et à l’aise. Il s’est délecté à reprocher à Mohsen Marzouk d’avoir détourné le parti de «sa trajectoire initiale» sans jamais définir cette trajectoire, d’être incapable d’organiser le congrès, le 15 juin dernier, et d’utiliser le parti pour servir ses ambitions personnelles (affichage de sa photo à l’occasion de réunions…).

Il est allé jusqu’à accuser le secrétaire général du parti de dénigrer la présidence de la République, à l’étranger et dans les chancelleries à Tunis, et de critiquer, dans les mêmes sphères, le gouvernement et l’appareil sécuritaire, évoquant, à maintes reprises, les accointances de ces derniers avec le terrorisme.

Pour HCE, «de tels propos proférés lors de conférences à l’étranger portent atteinte à la souveraineté de l’Etat».

Décryptage: si on comprend bien, pour le viceprésident de Nidaa Tounès, les Tunisiens ne doivent pas critiquer, à l’étranger, ni la présidence, ni le gouvernement, ni les autres institutions du pays. Drôle de logique. Et c’est là qu’on découvre une autre facette du fils du président de la République, celle d’un nostalgique des lois scélérates de Ben Ali.

Nostalgique des lois scélérates de Ben Ali

Parmi ces lois figure celle promulguée, en 2010, par Ben Ali «sur la sécurité économique». Une législation destinée, à l’époque, à renforcer les restrictions auxquelles font face les militants des droits de l’Homme, en visant ceux qui s’expriment sur la situation tunisienne dans des instances internationales. Aujourd’hui, le vice-président du premier parti de Tunisie tient le même langage et serait partisan de l’application de telles lois.

Et pour ne rien oublier, HCE, interpellé sur l’éventualité de succéder un jour à son père et de mettre à profit la logistique que lui offre, actuellement, le paternel, il a déclaré qu’abstraction du fait que de telles pratiques ne sont plus d’usage, après le 14 janvier 2011, en sa qualité de Tunisien de droit, il est inadmissible qu’il soit privé d’ambitions politiques pour la simple raison que “mon père est président de République“.

Avec cette nuance, HCE pourrait faire mouche et toucher les gens, mais il doit prouver ce qu’il a donné au pays et va lui donner. Il est hélas dans ce qu’il donne. Les «raccourcis arabes» ne sont plus à la mode même si on assiste au temps de son père à la résurgence de «l’économie de cour» d’antan.

A la fin de son interview, HCE a révélé un élément d’information de grande importance. Il a déclaré qu’il fera ce que lui dira son père. Conséquence: la balle est dans le camp de BCE. Dont acte.