En l’absence de réelle alternative politique au régime policier de Ben Ali, beaucoup ont longtemps misé sur la société civile et sur sa capacité à former un contrepouvoir à l’autoritarisme de l’Etat. On attendait alors beaucoup des rares acteurs de la société civile tunisienne tolérés par le régime de Ben Ali pour peser sur le gouvernement et réguler son pouvoir devenu avec le temps de plus en plus autoritaire, inégalitaire et liberticide.
Mais l’histoire nous a démontré les limites de la société civile tunisienne comme moyen de démocratisation sous Ben Ali. Sans liberté d’association, et de débat politique ouvert, la société civile restait marginale.
Puis, la révolution populaire de Décembre 2010 qui a conduit au départ de Ben Ali le 14 Janvier 2011 a extirpé, en quelques semaines, la société civile de sa torpeur de 23 ans.
Pendant le soulèvement qui s’est propagé à travers le pays, de nombreux militants, des syndicats et des associations ont soutenu les grévistes en relayant leur colère. Le rôle sur le terrain de certains militants a été fondamental pour fédérer les foules et parfois même, les protéger de la répression policière. La pression exercée par les avocats et par les syndicats d’enseignants tout au long du soulèvement a précipité la chute du régime.
Un an plus tard, nous avons vu naître un nombre d’associations et d’actions civiles, toutes imaginées dans la fougue révolutionnaire de ceux qui souhaitaient s’engager et profiter de la liberté retrouvée. Le bus citoyen fait probablement partie des actions les plus emblématiques qui ont marqué ce printemps associatif. La société civile tunisienne semble enfin renaître.
Son rôle, aujourd’hui et demain, est primordial pour la réussite de la transition démocratique et pour le développement du pays. Il est surtout de peser dans le débat politique et sur les réformes que le nouveau gouvernement est prié de mettre en oeuvre. Les tunisiens ont plus que jamais besoin d’une société civile forte qui puisse porter leurs voix et leurs revendications. Une société civile qui ne se limite pas qu’au soutien social et humanitaire sur le terrain, mais qui accomplit également son rôle de contre-pouvoir en participant au débat public et politique et en plaidant pour les causes qu’elles défendent. Une manière de donner du sens et de la légitimité à cette vigilance citoyenne qui ne cesse de surprendre les politiques, et de remporter des victoires (Kasbah, Bardo).
Une des leçons principales tirées des élections du 23 Octobre est l’échec de l’Etat et des nouveaux acteurs politiques dans la Tunisie continentale, y compris la Troïka actuellement au pouvoir. La société civile doit soutenir avant tout ces régions im-populaires et sous-développées, là où il y a tant à faire sur le plan social et économique. L’Etat doit soutenir ces actions qui, en agissant localement, pourraient venir combler son absence. Et la société civile doit s’y investir dès maintenant, car le nouvel exécutif mettra encore du temps pour réformer en profondeur le système de distribution des richesses en faveur de cette « autre Tunisie », s’il y arrive un jour.
Blog : Carpe Diem