Tunisie : Quand la culture hypocrite des pays du Golfe envahit notre Cité!

Je me rappelle que, lorsque 20 ans en arrière, une femme ou une jeune fille prenait la décision de porter le voile, elle décidait dans le même temps de se débarrasser de tous les signes ostentatoires de coquetterie! Le plus qu’elle pouvait se permettre était de se mettre un peu de khôl sur ses yeux.

Pourquoi le khôl? Parce que le prophète Mohamed en mettait souvent, car pour lui «le khôl préserve la santé de l’œil, renforce et purifie la lumière perçant, atténue la matière pourrie et l’extrait, tout en étant un facteur embellissant».

Les Tunisiennes étaient presque toutes cohérentes dans leurs convictions religieuses et se soumettaient très naturellement aux rituels hérités de leurs ancêtres tout en respectant les directives religieuses. Nos mamans, qui portaient le voile après avoir fait le pèlerinage de la Mecque avec beaucoup de grâce tout en gardant leurs humeurs joyeuses et leur sens de l’humour, n’ont jamais essayé d’influencer quiconque y compris leur propre progéniture de faire comme elles et n’ont pas joué avec leurs filles aux prédicatrices en herbe.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et ce que nous voyons comme nouveaux phénomènes aussi bien au niveau de l’habillement que sur le plan comportemental sont plus que révoltants tant les contradictions entre convictions religieuses et comportements au quotidien pèchent par une hypocrisie à la limite du supportable.

Les nouvelles voilées sont «made in Saoudi Arabia». Elles se sont inspirées des habitudes vestimentaires venant de nombre des pays du Golfe. Elles portent des pantalons serrés, des pulls moulants, des robes moulantes et se couvrent les cheveux, considérant qu’ils peuvent être l’objet d’une grande fitna. Elles ne sortent pas sans se maquiller à outrance mais se considèrent comme respectueuses des ordres divins puisqu’aucune parcelle de leur «chair» n’est apparente.

Pareil pour celles qui portent le burkini, des «scaphandrières» très provoquantes attestent beaucoup d’hommes mais labellisées quand même terre d’islam.

Et à ce propos, il serait pertinent de savoir combien parmi ces sur-voilées sont réellement des pratiquantes? Parmi elles, beaucoup suivent une mode et d’autres le font pour le show.

Pourquoi cette absence de cohérence?

Et pourtant, la cohérence voudrait qu’à partir du moment où on a décidé de se soumettre aux rites les plus rigoureux et les plus polémiques de la religion musulmane, l’on ne profite pas également des «privilèges destinés» aux prétendus «irréligieux» ou non pratiquants (e) dans le sens classique du terme.

Dans les pays du Golfe, les femmes ne se voilent pas par conviction mais par force de lois charaiques et de fatwas émises par des cheikhs misogynes et machistes, ce qui fort heureusement n’existe pas chez nous.

Dans un article paru sur le journal Le Figaro, on cite l’imam de Bordeaux, Tarek Oubrou, qui estime qu’il y a «un conflit sur la perception de ce vêtement. Le concept de voile islamique me gêne. Il n’y a pas d’habit islamique, ni pour les hommes ni pour les femmes. Certains musulmans exagèrent cette pratique et la jugent essentielle, alors qu’il n’y a pas de fondement univoque dans les textes». L’imam voit dans le port du voile une sorte de «mode». «C’est une pratique devenue tendance. Le voile est devenu un objet cosmétique, esthétique. On le met de manière à attirer, pour séduire. On le détourne de son sens premier: celui de traduire une pudeur».

Un autre phénomène est apparu depuis que l’islamisme wahhabite a envahi notre contrée via le parti Ennahdha: celui de l’arrêt par certains individus de toute activité pendant la prière du vendredi et même les autres prières.

Ainsi, une jeune femme qui a voulu acheter un sandwich dans une gargote à El Manar s’est vue opposer une fin de non-recevoir parce que, paraît-il, pendant la prière du vendredi on ne doit rien faire. Au pourquoi de la demanderesse choquée, les travailleurs ont répondu que leur patron leur a intimé l’ordre de ne rien servir, le temps que la «Salat» soit terminée.

En désespoir de cause, la réaction de la dame fut: si vous êtes là et que vous ne servez rien, pourquoi dans ce cas n’allez-vous pas faire votre prière à la mosquée et fermez carrément boutique?

C’est le ridicule qui persiste encore dans la Tunisie post-14 janvier 2011.

Pareil dans un salon de coiffure pour hommes. Un client se présente et le maître des lieux lui dit: “je ne peux pas vous coiffer, je dois faire la prière du Asr à la Mosquée“.

De toutes les fatwas que ces gens-là ont retenues, pourquoi les directives du prophète «Dieu veut que celui qui assure une tâche l’exécute à la perfection» ou encore «Le travail est une prière» ne sont pas prises en compte? Ou est-ce que les Tunisiens dont le pays est dépourvu de toute richesse naturelle estiment-ils qu’ils doivent se comparer aux nantis des pays du Golfe dotés par mère nature de gisements pétroliers et miniers qui leur permettent de se la couler douce pendant que les esclaves des temps modernes payés au prix fort travaillent pour eux?

Il est tout de même malheureux de réaliser que la proximité de la Tunisie pendant des décennies des pays européens, où réellement le travail est considéré comme une religion et où la cohérence entre croyances et comportements quotidiens sont de mise, ait pu devenir en un laps de temps aussi court un pays où la paresse, la mesquinerie et l’hypocrisie sociale sont la règle. Il est malheureux que l’un des peuples qui était considéré comme le plus éduqué des pays arabo-musulmans subisse une colonisation culturelle parachutée des pays du Golfe sans aucune forme de résistance.

Que font les ministères de l’Education et de l’Enseignement supérieur, ou encore ceux de la Culture, de la Jeunesse et des Sports pour protéger notre jeunesse de cette invasion culturelle nocive?

Quant à la télévision nationale qui a toujours assuré un rôle pédagogique auprès de tous les Tunisiens, eh bien nous ne pouvons que déplorer son absence totale de la scène socioculturelle tunisienne sauf les télévisions privées qui inondent l’espace public de médiocrité et d’insanités devenues malheureusement pour nous des produits fort prisés par des téléspectateurs en mal de repères.

Que c’est triste pour une Tunisie héritière de Carthage, de la Kahina et de Hannibal d’en arriver là.

Amel Belhadj Ali