Mohamed Amine Mahfoudh : Pour réussir la transition démocratique, il faut assurer un équilibre entre les différents pouvoirs

Dans le cadre des activités culturelles de la 4e session du Salon International du Livre de Sousse qui a pris fin dimanche, le professeur en droit constitutionnel Mohamed Amine Mahfoudh, a présenté son dernier livre intitulé “Participation à l’étude de la transition démocratique en Tunisie”.

Mohamed Amine Mahfoudh a expliqué les raisons qui l’ont poussé à écrire son dernier livre par sa spécialité universitaire et son expertise effective en la matière depuis la Révolution ” Je me suis trouvé associé à la préparation de la nouvelle Constitution au sein de la commission des experts au sein de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique et par la suite avec l’Assemblée Nationale Constitutionnelle (ANC). J’ai également présidé la commission qui a préparé le projet-loi de la cour constitutionnelle “.

Parlant de son livre, il a souligné la dimension multiculturelle qui l’anime ” J’ai tenu que le livre soit bilingue (arabe et français) puisque ces deux langues font partie de notre culture judiciaire depuis des dizaines d’années. La personnalité tunisienne est multiculturelle et personnellement je n’ai pas de problème d’identité “. Il ajoute ” ” Ce qui importe le plus maintenant pour les Tunisiens c’est le travail, la réflexion et l’édification dans le calme et la sérénité “.

Le constitutionnaliste tunisien a tenu, par ailleurs, à rappeler que ” la transition démocratique n’est pas une affaire d’une année, de cinq ans ou de dix ans… Il faut différencier entre la transition politique et la transition juridique puisque nous avons encore dans la Constitution des dispositions transitoires qui sont encore en vigueur et des institutions constitutionnelles qui n’ont pas encore été encore activées à l’instar du conseil supérieur de la magistrature, de la cour constitutionnelle et du pouvoir local…”

Abordant le sujet des critiques qu’il a émis à l’encontre de la nouvelle Constitution, Mohamed Amine Mahfoudh a affirmé ” J’ai malheureusement des réserves à propos de la nouvelle constitution et ce avant même son adoption. En effet, j’ai averti des méfaits du système politique déséquilibré qui était en passe d’être adopté. Et comme par réaction à l’ancienne constitution nous sommes passés d’un système présidentiel à un système parlementaire alors que ce dernier ne peut être un parlement fort à cause du système électoral qui l’affaiblit. “.

Il confirme, par la suite, sa vision en ajoutant ” le système électoral tunisien actuel basé sur la représentation proportionnelle est catastrophique puisqu’il ne permet pas de dégager une majorité qui peut gouverner toute seule pour assumer sa responsabilité. Pour qu’une démocratie puisse fonctionner correctement, il faut qu’il y ait une majorité élue pour gouverner et qu’il y ait également une opposition forte qui peut assurer le contrôle et le cas échéant l’alternance. ”

Côté solutions préconisées dans le livre, Mohamed Amine Mahfoudh a avancé que ” le système politique tunisien actuel est un système hybride générateur de crises à répétition. Il faut tout d’abord penser à modifier la loi électorale car c’est plus facile de le faire. Il faudra également modifier la Constitution pour assurer un équilibre entre les différents pouvoirs… C’est dans cette approche que s’inscrit mon mon livre…”

Le professeur de droit constitutionnel a voulu enfin attirer l’attention sur le legs antidémocratique qui sommeille en nous et qui constitue un important obstacle à la réussite de la transition démocratique : ” il existe une caste qui rabâche encore des années de lutte (même si elle était infime ou insignifiante) contre le protectorat français pour légitimer les privilèges dont elle a bénéficié juste après l’Indépendance en récupérant des terres ou des monopoles…

Cette caste veut avoir un droit de regard et d’aînesse pour protéger et garder ses privilèges qui ne sont pas toujours en adéquation avec les aspirations des citoyens. Il faut aller de l’avant et repenser impérativement le modèle de développement pour permettre à tout le pays d’accéder à la prospérité qu’il mérite”.