Sophie Bessis trace les portraits de cinq femmes “mythiques” dans son ouvrage “Les Valeureuses


“Il est évident qu’aucun choix n’est objectif” se défend Sophie Bessis pour justifier le choix porté sur cinq femmes dans l’histoire de la Tunisie, pour figurer dans son nouvel ouvrage “Les Valeureuses: cinq Tunisiennes dans l’Histoire” (paru en décembre 2016), un récit historique qui revient sur le parcours de cinq femmes “mythiques”.

Suivant un classement généalogique, l’écrivaine trace le portrait de cinq femmes en partant de l’apport d’Elissa ou reine Didon de Carthage, pour ensuite aborder la vie d’Aicha Sayida Manoubia (13ème siècle) et puis Aziza Othmana (18ème siècle) avant de finir par lever le voile sur certains aspects de la vie de deux figures du début 20 ème siècle, Habiba Menchari et Habiba Msika.

Invitée du cycle “Mardis de l’IFT” (Institut Français de Tunisie), Sophie Bessis a présenté son récit historique de 223 pages, publié chez Elyzad avec le concours de l’IFT.

Elle s’est attardée -brièvement- sur le parcours de chacune des cinq “valeureuses” qui font l’objet de son livre tout en justifiant ce choix qui ne ferait pas certainement l’unanimité chez certains lecteurs avertis. Elle se pose d’ailleurs la question; “est ce que ces figures sont appropriables par la plupart des Tunisiens?”avant de rétorquer “probablement pas”.

Pour ce qui est des critères du choix de ces cinq femmes, il repose surtout sur “des figures tunisiennes disparues et mythiques” a-t-elle avancé. Certains évoqueraient le nom de “la Kahena” que l’auteur la classe dans son environnement plus large comme étant “un personnage maghrébin et non tunisien”.

L’écrivaine et historienne trace alors le parcours de celles dont elle décrit comme “valeureuses qui ont laissé une trace si profonde dans les mémoires tunisiennes qu’elles sont devenues des mythes”.

La couverture du livre porte le portrait de chacune de ses “héroïnes”. L’histoire de la phénicienne Elissa, fondatrice de Carthage, et dont les traces de son règne ont façonné l’histoire de la Tunisie antique, est devenue un mythe, mais “Rien ne prouve qu’elle s’inscrit dans l’histoire réelle. Rien non plus ne prouve le contraire…”, écrit Bessis à la page 47. De là, viendrait sa conclusion que c’est bien “le mythe qui crée l’histoire”.

Parlant de Saida Manoubia ayant vécu au début de l’époque Hafside, l’écrivaine la décrit comme étant “un personnage passionnant” et qui a “beaucoup de parenté avec les saintes de chrétienté”. Elle évoque aussi l’image d’une femme qui n’a jamais porté le voile. Elle qui ne s’est jamais mariée avait aussi “cette proximité avec le surnaturel”.

Sur un autre plan, vient Aziza Othmana qui était une princesse et une femme pieuse inscrite dans l’histoire du 18 ème siècle. Elle incarne l’image d’un “personnage consensuel”, comme l’explique l’auteure que “les féministes revendiquent.”

Habiba Menchari qui a vécu au 20 ème siècle renvoie à l’image de la femme non voilée qui s’est battue contre le port du voile. Elle qui portait le sefsari (costume traditionnel féminin dans le milieu citadin en Tunisie) avait été encouragée par son mari à se dévoiler.

Habiba Msika est une tunisienne de confession juive appartenant au monde des arts et du spectacle. Au cours de sa courte carrière artistique (1920-1930), elle était très revendiquée et a marqué son époque.

En fouillant dans les documents d’histoire, l’écrivaine avoue n’avoir pas pu trouver beaucoup de traces sur ces figures féminines. Il ne serait pas étonnant si l’empreinte de la femme est quasi introuvable dans les récits des historiens, ce que Bessis explique en disant que “l’histoire est une histoire d’hommes”.
Du rapport entre histoire et présent et de la quête de l’historien qui est souvent “confrontée à la réalité des faits qu’il rapporte”, l’écrivaine admet que ” le récit historique est plus présent que le fait historique”.

En dehors du véritable apport et impact que chacune de ces femmes a eu dans leur environnement ou bien dans l’histoire nationale – Sophie Bessis demeure convaincue que ces femmes, dont la mémoire nous est parvenue, sont “mythiques”.