Cinéma : La projection du film “Le Prophète Mohamed” dans les salles tunisiennes compromise

Le film iranien “Mohamed, le messager de Dieu” sur l’enfance du prophète du réalisateur Majid Majidi, dont la projection était prévue à la fin du mois au cinéma le Colisée à Tunis, a suscité une grande polémique en Tunisie et plusieurs réactions opposées ou approuvant sa projection dans les salles de cinéma.

Parmi les réactions qui ont vivement critiqué la projection de ce long métrage produit en 2015, et premier volet d’une trilogie consacrée à la vie du Prophète Mohamed, le parti Tayar El Mahaba qui a dénoncé, dans un communiqué, toute représentation du Prophète, appelant le ministre de la Culture à retirer l’autorisation de projection du film et le mufti à publier un communiqué interdisant la projection du film.

A contrario, d’autres parties critiquent l’interdiction de la projection du film qui représente en soi une atteinte à la liberté d’expression, un droit garanti par la Constitution tunisienne. C’est ainsi que Ibrahim Ltaief, directeur des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), a indiqué à l’Agence TAP que le public a le droit de regarder toute oeuvre cinématographique ou artistique. Le seul juge de l’importance de ce film, a-t-il dit, est le public, et que le Prophète Mohamed n’est pas représenté dans le film.

Letaief a rappelé également les réactions violentes qui ont précédé la projection du film marocain “Much Loved” de Nabil Ayouche lors de la 26ème édition des JCC, lequel a connu une affluence remarquable et inattendue de la part du public, insistant sur la nécessité de s’attacher au droit de projection et à laisser au public le libre choix. “la liberté de la créativité et de l’art doivent vaincre à tous les coups”, a-t-il dit.

De son côté, Ridha Torki, producteur, a souligné que ce film raconte une période bien précise de l’histoire de l’Islam comme le Film “Arisala” (le messager) de Mostapha Akkad, projeté plusieurs fois et diffusé sur les chaines de télévision en plus des feuilletons iraniens sur la vie des messagers dont la diffusion n’a jamais été contestée. “La liberté d’expression est un nouvel acquis qu’il faut préserver en Tunisie”, a-t-il ajouté.

Radhi Trimeche, membre de la Chambre nationale des producteurs de films, a mis l’accent sur l’impératif de défendre la liberté d’expression, affirmant qu’un long combat a été mené depuis les années soixante pour acquérir ce droit et qu’il n’est pas question de l’abandonner aujourd’hui. Selon son avis, la position du ministère des Affaires culturelles est ambiguë.

Le critique cinématographique Nasser Sardi a rappelé qu’il a assisté à une journée du tournage du film iranien et a remarqué les grands efforts et moyens déployés dans la réalisation de ce film, rappelant à cet effet que le Prophète Mohamed n’apparaît pas dans le film.

“Qui est responsable de l’interdiction de la projection du film et de la sortie de cette oeuvre au public?”, s’est-il indigné, précisant qu’avec les nouvelles technologies et l’Internet, “le film sera disponible en ligne et personne ne peut l’interdire”.

Lasaad Goubantini, propriétaire de la salle de cinéma “Le Colisée”, a affirmé à l’Agence TAP avoir reçu des menaces directes de la part d’un groupe d’inconnus qui ont menacé de s’attaquer à la salle au cas où il insiste sur la projection du film, ce qui l’a obligé à annuler le contrat. Il a par ailleurs souligné que le réalisateur iranien Majid Majidi a confirmé sa présence dans les prochains jours pour assurer la promotion du film en Tunisie.

Par ailleurs, Mounira Ben Halima, directrice des arts audiovisuels au ministère des Affaires culturelles, a démenti dans une déclaration aux médias les informations selon lesquelles le film “Mohamed, le messager de Dieu” a obtenu un visa de projection. Elle a ajouté que le ministère ne peut autoriser la projection d’un film qui incarne les prophètes et les Sahaba (compagnons) du Prophète Mohamed, et qu’aucun propriétaire d’une salle de cinéma ne peut projeter le film sans l’aval du ministère de la Culture.

Avec un budget d’environ 40 millions de dollars (34 millions d’euros), en partie financé par l’Etat, “Mahomet” est le long-métrage le plus cher de l’histoire du cinéma iranien. Une superproduction qui a nécessité sept années de production ainsi que la reconstitution, au sud de Téhéran, de la ville de La Mecque.