Partis politiques ou club fermés?

Par : Autres

maherL’opinion publique s’est définitivement détournée des partis politiques, c’est un fait. Elle pense que, une fois au pouvoir, les partis politiques n’accomplissent jamais leurs promesses électorales.

L’opinion a également ras-le-bol des alliances contre nature et l’absence d’éthique politique. Des politiciens caméléons, il n’y a pratiquement que cette espèce dans les institutions. Quant à ceux qui se disent indépendants, ce sont en fait des politiciens girouettes. Et presque tous n’ont pas de culture politique.

C’est un fait: les partis politiques sont totalement discrédités et massivement rejetés dans l’opinion.

Curieusement peu de sondages d’opinion ont abordé sommairement la crédibilité des partis politiques et des politiciens auprès de l’opinion publique mais jamais sérieusement. Officieusement on estime au 3/4 de l’opinion publique qui pense que les partis politiques ne sont plus utiles et plus de 90% pensent qu’ils sont déconnectés des réalités quotidiennes des Tunisiens.

Le Tunisien pense que les partis politiques n’ont plus rien à dire, et à ce jour très peu de personnes sont là pour les écouter. Certains vont même jusqu’à affirmer que nos partis sont des clubs fermés et non des organisations de masse.

Une vérité sans appel: les partis politiques tunisiens éprouvent de réelles difficultés à attirer de nouvelles têtes. Ils souffrent tous d’une grave crise de légitimité due à un déficit de représentativité et donnent l’impression de fonctionner en vase clos.

Fonction : Dirigeant Politique

La plupart des dirigeants des partis donnent la fausse impression de venir d’un milieu populaire et fustigent à toute occasion la bourgeoisie. Pourtant, ils mènent tous une vie de petits-bourgeois, et non de prolétaires. C’est l’activité politique et le parti qui leur fournissent un «levier pour leur ascension sociale». Ce qui nous conduit à dénoncer le système «oligarchique» qu’ils confectionnent et dans lequel ils exercent leur recherche incessante de la confiscation du pouvoir, toujours et invariablement, par les mêmes profils.

Les électeurs déconcertés

Pour sortir de ce marasme, plusieurs personnalités proposent d’emprunter des chemins de traverse. Notamment en impliquant la société civile, les intellectuels et les acteurs locaux. Si les partis veulent redevenir des lieux de réflexion et d’élaboration des projets, il faut qu’ils arrêtent de se servir des militants comme de simples colleurs d’affiches. L’idée fait florès et tout homme politique qui s’empare d’un parti promet d’en ouvrir les portes et même les fenêtres… mais rarement les listes aux élections.

Un paradoxe demeure: si les partis politiques semblent démonétisés, ils gardent toutefois une importance stratégique dans la conquête du pouvoir. En témoigne l’énergie déployée par tous pour reprendre la tête de tel ou tel parti ou en créer un nouveau et s’assurer ainsi un contrôle sur les financements, les investitures et les fichiers militants.

Démocratie de l’opinion

Mais l’évolution du système démocratique a rendu quelque peu désuète cette stratégie. La démocratie de partis a évolué vers la démocratie du public ou d’opinion, ce qui a modifié la manière de voter des électeurs. Désormais, ils votent davantage en faveur d’une personne que d’un parti. Ils se manifestent ponctuellement lors du scrutin mais leur verdict est sans appel.

Dans cette démocratie de l’opinion, où médias, sociétés de communication et sondages assurent la médiation entre le peuple et ses représentants, les adhérents et le débat interne ne sont plus d’actualité. Un message passe au plus grand nombre, en utilisant des techniques inspirées par la publicité, ce qui explique l’accroissement des budgets de communication et de marketing d’une élection à l’autre.

Ceux qui parviennent à se faire élire sont désormais des individus qui maîtrisent mieux que les autres les techniques de communication, ce que l’on appelle des “figures médiatiques”. Cette nouvelle élite de spécialistes de la communication prend la place des militants et des hommes d’appareil. Ce qui est fondamentalement inquiétant car cela se fait immanquablement au détriment du débat de fond. D’où la stérilité de l’action, une fois les urnes donnent leur verdict et que les élus sont face à leurs promesses électorales, qu’ils s’empressent d’oublier.

N’y a-t-il pas là matière à réflexion pour un nouveau concept “des partis politiques”?

Maher HAFFANI