Chronique d’un été tunisien très bouillant !

 

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En pleine canicule estivale, le pays se livre à son exercice préféré, «l’autoflagellation» à grande échelle : la LFC –pour loi de finances complémentaire-, les procès des terroristes, les nominations des gouverneurs, et j’en passe. Tout devient sujet à controverses. Les pages Facebook et les journaux en mal de sensations s’en mêlent et “Radio Qalou“ (Ils ont dit) se charge de la propagation à destination de ceux qui ne quittent pas les terrasses de leur café.

Or, tout le monde est d’accord pour diagnostiquer les maux du pays. Cette révolution qui n’en finit pas de nous décevoir. Cette classe politique que nous traitons de tous les noms et qui est enfin de compte à notre exacte image, pas reluisante du tout. Ces syndicats que personne n’ose plus contredire malgré des positions saugrenues. Ces énergumènes de l’époque honnie du clan Ben Ali que nous avons cru avoir été chassés du pouvoir par la porte et qui nous reviennent par la fenêtre. La fraude à grande échelle que nous subissons et que nous accélérons en profitant de leurs retombées à Sidi Boumendil, à Moncef Bey, sur les routes (où se vend le carburant de contrebande), dans les arrières boutiques où des marchandises douteuses sont déversées par milliers de tonnes sur notre marché.

“Ces énergumènes de l’époque honnie du clan Ben Ali que nous avons cru avoir été chassés du pouvoir par la porte et qui nous reviennent par la fenêtre”.

Mais avant tout ça, ou plutôt à l’origine de tout ça, un rapport à la chose publique, ambigu, vicié par 60 ans de dictature, et très loin de ce qui peut constituer une mentalité moderniste et évoluée pouvant déboucher sur un Etat démocratique!

D’abord, nous avons un problème avec la valeur travail. Notre proverbe populaire ne dit-il pas que «ceux qui travaillent sont décédés? (illi khidmou matou)», et nous en rajoutons à volonté! L’estime chez nous va à celui qui a su échapper au contrôle (Naggazha! sallk’ha!).

La vidéo qui a fait le tour des pages Facebook tunisiennes, montrant comment les agents de propreté à Monastir déversent le contenu d’une benne d’ordure dans la rue, résume les dessous de nos comportements. Ces agents là étaient sûrement à la pointe de la grève des éboueurs pour réclamer plus de sous!

“Secrètement, nous voulons tous des grands salaires mais surtout pas d’effort pour les mériter!”

Les récits honteux des bagagistes qui volent les valises à l’aéroport Tunis-Carthage, des chauffeurs de taxi véreux du même aéroport, et des milliers d’autres récits attestent de cette maladie dangereuse, honteuse et généralisée et qui se propage à tous les niveaux. Il faut qu’on aille tous en consultation à l’hôpital Razi! Secrètement, nous voulons tous des grands salaires mais surtout pas d’effort pour les mériter!

En second lieu et comme nous l’avons déjà remarqué, nos liens à la chose publique (en dialectal tunisien “Rezg bulik“, le bien public, est synonyme de bien que personne ne défend) se sont distendus à l’extrême au long des 60 dernières années où la chose publique profitait surtout à ceux qui avaient le pouvoir. Nous avons toujours appris à dissimuler aux autorités de peur de nous faire plumer!

“Nos liens à la chose publique… se sont distendus à l’extrême au long des 60 dernières années où la chose publique profitait surtout à ceux qui avaient le pouvoir”.

Nos rapports à l’économie sont emprunts d’une ignorance grave. L’entreprise est vue comme une machine infernale que le patron met en place pour nous lessiver. D’ailleurs, la plupart de nos patrons le font en toute conscience, très tranquille.

Les taxes et les impôts sont honnis dans nos mentalités car jamais ils ne servaient le bien public. La fraude fiscale est plus qu’un sport national et personne ne paie les taxes locales en Tunisie, sauf obligation, mais tout le monde est prompt à rouspéter contre la municipalité.

La canicule va durer encore un mois! Mais nos maux dureront plus qu’un mois malheureusement!

Ali Laïdi Ben Mansour