Tunisie – Diplomatie – USA : Qui gouverne la Tunisie, Ghannouchi ou Essid ?

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A quel titre Jacob Wales, ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique à Tunis, irait-il, suite à l’attentat sanglant de Sousse, présenter ses condoléances à Rached El Ghannouchi? La démarche est-elle valable pour tous les partis au pouvoir y compris Afek, Nida et l’UPL ou se limite-t-elle au président du parti islamiste?

 

Les belles attentions des autorités américaines touchant particulièrement Ennahdha sont-elles intentionnelles, provocatrices, ou relèveraient-elles d’une méconnaissance du modèle sociétal tunisien? C’est comme dire à une majorité de Tunisiens qui ont choisi de préserver leur culture ouverte et émancipée et leurs valeurs modernistes : «Nous ne sommes pas d’accord avec le choix des urnes, nous avons choisi, pour nous le seul allié possible et valable c’est le parti islamiste»

Lorsqu’il y a des tragédies de ce genre aux Etats-Unis (comme celui de Sousse ou du Bardo), les ambassadeurs se rendent pour présenter leurs condoléances aux partis prétendument «bien positionnés» sur l’échiquier politique ou se limitent-ils tout juste aux institutions officielles? Lorsque c’est le parti démocrate qui gouverne est-ce avec le parti républicain que la diplomatie étrangère traite? Où est-ce que Jacob Wales situe les us et les usages de la diplomatie à l’international?

Du moins jusqu’au jour d’aujourd’hui, nous savons que c’est le président de la République qui octroie les lettres de créance aux ambassadeurs et qui les accréditent et non les présidents des partis quelle que soit l’importance qu’on leur accorde!

A la question “êtes-vous allé présenter vos condoléances au Cheikh ?“, l’ambassadeur US a réagi de manière très expéditive : «Nous ne faisons pas de commentaires à propos de rencontres privées». Parce que ce qui le lie à Rached El Ghannouchi est d’ordre privé? Sommes-nous sous protectorat américain? C’est comme si Jacob Wales nous avait répondu «Allez vous faire voir, je fais ce que je veux dans votre pays!».

Quid de la souveraineté nationale? Quid de la dignité et du prestige de l’Etat dont ne cessent de nous rabâcher les oreilles Béji Caïd Essebsi et son gouvernement? Nous ne voyons ni l’une ni l’autre dans ce qui se passe sur la scène politique et économique tunisienne depuis le 14 janvier 2011, tant les interventions, les déclarations et les prises de position étrangères pèsent sur la politique nationale de tout leur poids, tout comme la toile d’araignée tissée dans tous les rouages de l’Etat lors du passage d’Ennahdha.

Les opérateurs privés s’y mettent aussi !

Qui ne connaît pas les relations privilégiées des Etats-Unis avec les islamistes, fervents défenseurs de ses intérêts partout dans le monde? Elles sont bien entretenues par des lobbyistes qui ont choisi la loyauté envers la toute-puissance américaine et un parti plutôt que leur pays, ils se reconnaîtront dans ces lignes. Mais le pire, c’est lorsque les opérateurs privés entrent eux aussi dans ce jeu d’allégeance à des partis qui se prétendent et qui sont devenus, lâcheté et vénalité des uns et des autres obligent, incontournables. Combien de fois le président d’Ennahdha a invité les présidents des grands groupes à se rendre chez lui ? Combien parmi eux s’y sont rendus? Beaucoup d’après nos informations.

Beaucoup sont allés lui prêter allégeance pour avoir sa protection car, comme nous le répétons à longueur d’heures et de jours, il a placé ses pions partout dans les centres de décisions économiques du pays. Ces hommes d’affaires ont failli à leur patrie et ont participé à la destruction de l’Etat car il devrait être le seul garant de leurs droits et le seul protecteur de leurs intérêts. Il y va des équilibres socioéconomiques du pays. Les observateurs économiques avisés, les experts et les ONG devraient se pencher sur la place de plus en plus grandissante de la Turquie et de la Chine au niveau de nos marchés publics et à qui elle profite !

Si Ennahdha venait à perdre de son influence, à quel parti nos hommes d’affaires se rendraient? Comptent-ils être les esclaves des partis confirmant ainsi la célèbre phrase de Hamadi Jebali «Ras El Mel est jaban» (Le capital est lâche), au lieu de renforcer les institutions? Préfèreraient-ils un système qui rappelle celui de la Camorra à l’Etat?

Béji Caïd Essebsi, qui a pris sur lui d’assumer la responsabilité de redonner à l’Etat son lustre, et Habib Essid, qui a déclaré à maintes reprises qu’il assumera jusqu’au bout celle de faire sortir la Tunisie de ce marasme et de cette confusion qui n’ont que trop duré, doivent aujourd’hui avoir le courage de dire aux Tunisiens si ce sont eux qui sont réellement aux commandes ou plutôt le deuxième parti élu, à savoir Ennahdha. Ils auront au moins le mérite de l’honnêteté intellectuelle car les mains liées ou qui tremblent ne font pas l’histoire.

En cherchant le consensus à n’importe quel prix, ils perdent leur crédibilité, leur autorité et mèneront la Tunisie vers le chaos quoiqu’ils puissent dire ou faire!

“La différence entre le politicien et l’homme d’Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération”, a déclaré James Freeman Clarke, écrivain américain.

Alors soyez des hommes d’Etat, messieurs, pensez aux prochaines générations et posez-vous en votre âme et conscience la question suivante, juste pour savoir si vous êtes en train de faire ce qu’il faut pour les protéger et assurer la pérennité de l’Etat et des Institutions

Amel Belhadj Ali

 

 

 

Amel Belhadj Ali