Tunisie : Les contrôleurs publics ne peuvent être à la fois juges et parties

Depuis la Révolution du 17 décembre 2010/14 janvier 2011, les structures publiques de contrôle essayent de transgresser la constitution arguant que la lutte contre la corruption fait partie de leur mission, a déclaré Samir Annabi, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption.

« L’objectif recherché est de dominer les structures de l’Etat en violation claire de la loi et de la constitution», a-t-il affirmé à TAP.

Et d’ajouter que l’Association des contrôleurs publics a essayé de mettre la cour des comptes sous la houlette de la société civile afin de protéger des intérêts bureaucratiques et de remanier les structures de l’Etat alors que la constitution de la 2ème République a fixé les rôles et les missions des instances constitutionnelles en tant que structures de contrôle extérieures et indépendantes.

Il a rappelé que la création de l’Instance nationale de lutte contre la corruption s’inscrit dans le cadre de la concrétisation des engagements de la Tunisie qui a signé des accords internationaux dont notamment la convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC) (2008).

« Les administrations et les structures publiques, ne peuvent être à la fois juges et parties dans la lutte contre le phénomène de corruption », a souligné le responsable.

Il a accusé l’Association des contrôleurs publics qui a présenté récemment une étude intitulée « la petite corruption, le danger banalisé » d’être « une association qui joue le rôle de syndicat défendant les intérêts de ses adhérents » .

« Les contrôleurs publics qui représentent le pouvoir de l’Etat, n’ont pas le droit d’assumer le rôle de la société civile en tant que pouvoir de contrôle de l’Etat et de bénéficier du financement consacré aux associations de la société civile », a-t-il encore estimé. Et d’ajouter « qu’en publiant leur rapport, les contrôleurs dévoilent un secret professionnel ».

Pour sa part, le président de l’Association des contrôleurs publics a estimé qu’aucune loi n’interdit à cette catégorie d’assumer une responsabilité au sein de la société civile.

Dans une déclaration téléphonique à l’agence TAP, il a indiqué que « l’étude réalisée sur la petite corruption qui sera présentée à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), vise à étudier ce phénomène sur des bases scientifiques ». L’activité de l’association n’est pas en contradiction avec l’instance constitutionnelle qui n’est pas encore opérationnelle, a estimé le responsable.

Répondant à une question sur l’absence de stratégie nationale de lutte contre la corruption, Sami Annabi a affirmé que les gouvernements post Révolution ont refusé le projet sur lequel a travaillé l’instance pendant deux ans en coopération avec le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la société civile.

La stratégie, prête depuis avril 2014, sera présentée au chef du gouvernement actuel en attendant sa présentation après le démarrage effectif des activités des instances constitutionnelles, a -t-il encore indiqué.