Tunisie – Sécurité : L’étau se resserre autour du commandant en chef de la garde nationale

terrorisme-tunisieL’affaire de Mounir Ksiksi, directeur général de la garde nationale et son accusation par les dirigeants des syndicats de la police de traîtrise et d’implication dans le djihadisme islamiste, refait surface et fait surgir de nouveau la problématique de la police parallèle et de l’infiltration du ministère de l’Intérieur.

Au regard des nouveaux griefs présentés par les syndicats de la police et de la tournure que prend cette affaire, il semble que les jours de Mounir Ksiksi à la tête de la garde nationale soient comptés, même si ce dernier a cherché à minimiser les informations et documents fournis par ses accusateurs.

Zoom sur l’évolution de cette affaire qui peut en cacher d’autres plus graves.

Pour comprendre les tenants et aboutissants de ce bras de fer meurtrier entre le directeur général de la garde nationale et les syndicats de la police, il faut remonter au mois de juillet 2014.

A cette époque, Issam Dardouri, président de l’organisation tunisienne de la sûreté et des citoyens, et le responsable des affaires juridiques de l’Union nationale des syndicats des forces de l’ordre intérieures (à l’époque), Sahbi Jouini, avaient révélé qu’ils détenaient des documents prouvant l’appartenance de ce haut cadre sécuritaire à la mouvance islamiste djihadiste.

Sur la base des informations qu’ils détiennent, les deux syndicalistes avaient demandé au ministre de l’Intérieur d’ouvrir une enquête et de vérifier le dossier du commandant en chef de la garde nationale. Ils avaient ajouté qu’ils restaient à la disposition de la justice pour leur fournir les documents nécessaires.

Réagissant à ces graves accusations, Mounir Ksiksi avait intenté un procès contre les syndicats de la police. Selon nos informations, les poursuites sont restées sans suite jusqu’à ce jour.

De nouvelles accusations accablantes

Huit mois après, les deux syndicalistes, Issam Dardouri et Sahbi Jouini -devenu depuis secrétaire général de l’Union nationale des syndicats des forces de l’ordre intérieures-, reviennent à la charge et accusent le commandant en chef de la garde nationale de collusion avec le terrorisme djihadiste islamiste.

Issam Dardouri a fait assumer au commandant en chef de la garde nationale la responsabilité d’une circulaire recommandant aux agents opérant à l’ouest du pays de réduire au maximum leurs déplacements la nuit, insinuant qu’une telle circulaire aurait favorisé les mouvements des terroristes et préparé le terrain à l’assassinat, à Boulaaba, de quatre gendarmes.

Sahbi Jouini a, quant à lui, révélé, à la chaîne El Hiwar Ettounsi (mercredi 18 février 2015), que la garde nationale sous les ordres de Mounir Ksiksi a expédié, en décembre dernier, vers la ville de Zenten en Libye «40 tonnes de médicaments» (bien 40 tonnes de médicaments). La partie bénéficiaire n’a pas été identifiée.

Face à cette accusation accablante, Mounir Ksiksi s’est contenté de déclarer de manière expéditive et évasive qu’«il s’agit d’un don fait par des citoyens. Nous n’avons fait qu’acheminer cette quantité de médicaments jusqu’aux frontières tuniso-libyennes».

Manifestement, cette affaire est, le moins qu’on puisse dire, très louche. Elle comporte trop de zones d’ombre et suscite moult interrogations. L’opinion publique a le droit de savoir qui sont ces citoyens donateurs? Comment une telle quantité de médicaments a pu être collectée sans que la presse ne soit au courant? Pourquoi c’est la garde nationale qui s’est occupée de cette opération qui relève, en principe, des attributions de la société civile? Qui en sont les bénéficiaires: de simples citoyens libyens ou des terroristes daechistes? Pourquoi tant de générosité alors qu’il existe en Tunisie des centaines de milliers de démunis qui manquent de médicament?

Dans cette affaire bizarre qui fait dégager un sentiment de dégoût, il faut saluer le courage des dirigeants des syndicats de police qui ont alerté l’opinion publique de ses dérives administratives qui cacheraient peut-être d’autres plus graves. Le parquet doit enquêter sur ces dérapages.