Tunisie – Ben Guerdane : Des revendications qui dépassent l’ouverture des poste-frontaliers

Les habitants de Ben Guerdane, qui mènent, depuis plus d’une semaine, des mouvements de protestations, revendiquent des projets de développement, dépassant la simple demande d’ouverture des passages frontaliers.

Ces contestations avaient enregistré le décès d’un manifestant et plusieurs blessés parmi les citoyens et les agents des forces de l’ordre. Des délégations ministérielles avaient été aussi dépêchées dans la région pour s’informer sur la situation et écouter les revendications des protestataires dans le but de surmonter cette crise.

«C’est une révolution d’affamés qui revendiquent la dignité et la récupération des richesses de la région», a indiqué M. Ellafi, faisant allusion aux richesses des salinières de sebkha El Adhibet ainsi qu’aux revenus drainés par le poste-frontalier de Ras Jedir.

Au départ, les revendications concernaient la suppression de la taxe de 30 dinars imposée aux étrangers à leur départ de Tunisie. Cette décision avait suscité des contre-mesures de la part des autorités libyennes. Une situation qui a paralysé l’activité commerciale dans la région.

Les revendications se sont multipliées, par la suite, pour englober des demandes en matière de développement, d’emploi et de mise en œuvre de projets publics et privés bloqués.

L’activiste de défense des droits humains, Mustapha Kebir a imputé ces évènements au fait que la région de Ben Guerdane souffre de marginalisation depuis l’ère de Bourguiba jusqu’à la période post révolutionnaire.

«Cette situation risque de se poursuivre en raison de l’absence de solutions radicales», a-t-il dit.

Outre la suppression de la taxe, il est indispensable de lancer des projets de développement dans la région, de surmonter les entraves aux projets bloqués et d’améliorer l’infrastructure.

Le secrétaire général adjoint de l’Union régionale du travail à Medenine Messaoud Labyedh a souligné la nécessité de déployer des efforts en matière de création de postes d’emploi et de développement local. Il s’agit aussi de faire prévaloir la discrimination positive en faveur des régions à l’intérieur du pays, a-t-il souligné.

Le représentant de la coordination des sans-emploi à Ben Guerdane, Radhouan Azlougue a relevé la nécessité d’activer le projet de la zone industrielle, de la zone de libre échange, de l’espace logistique et la création de grands projets.

L’Union locale de l’industrie et du commerce à Ben Guerdane Lazher Dibar a proposé l’adoption d’un texte de loi permettant de prélever une partie des recettes du poste- frontalier de Ras Jedir pour réaliser le développement local.

Il a aussi estimé que la région nécessite des efforts supplémentaires pour développer l’infrastructure, promouvoir les projets de la zone industrielle et de l’espace logistique de manière à résorber le chômage. La région compte 5 mille chômeurs parmi les diplômés de l’enseignement supérieur.

Ben Guerdane: Une zone marginalisée et un foyer de commerce Parallèle

Le plan régional pour l’environnement et le développement durable du gouvernorat de Médenine pour l’année 2014, a indiqué que la contribution de la région dans les exportations tunisiennes vers la Libye est « faible ».

La délégation de Ben Guerdane occupe la moitié de la superficie de la région de Médenine et compte 16% du nombre des habitants du gouvernorat. L’économie de cette région est totalement basée sur le commerce avec la Libye via le poste frontalier de Ras Jdir.

Selon le rapport, la région de Ben Guerdane est considérée comme « un centre du commerce parallèle » et un pôle de l’économie «non organisée » malgré la hausse des recettes des municipalités de 210 mille dinars, en 1987 à 2,5 millions de dinars en 2012.

Les crises consécutives survenues suite à la fermeture du poste frontalier de Ras Jedir et les retombées négatives au niveau social et économique ont confirmé la fragilité du partenariat tuniso-libyen.

Ce partenariat n’a pas réussi à créer une coopération économique bilatérale entre la Tunisie et la Libye. Les relations de voisinage entre le gouvernorat de Médenine et l’Ouest de la Libye se sont limitées à des activités « non organisées ».

La partie tunisienne a aussi échoué à élaborer une vision stratégique pour valoriser la zone frontalière qui apparaît comme un point faible structurel qui a entravé dans une large mesure le processus de développement.