Tunisie – Gouvernement Essid : Yassine Brahim s’explique

tunisie-directinfo-BCE-Slim-Riahi-Hamma-Hammami-Yassine-Brahim

“Nous avons repris les discussions avec M. le chef du gouvernement désigné, depuis deux jours, sur de nouvelles bases. Les Tunisiens attendent un gouvernement de REFORMES. Réforme de l’éducation, réforme du système de santé, réforme de la fiscalité pour la rendre plus juste et inclusive, intégration progressive et incitative de l’économie informelle, etc.

Cette orientation ne se dégage pas dans la synthèse de programme proposée aux députés samedi.

Nous travaillons donc sur une version que nous espérons nettement améliorée, et avons demandé à Nidaa de le faire ensemble ainsi qu’avec les partis qui supporteraient ce programme et ce gouvernement.

Ensuite on ne pourra pas commencer à réformer le pays avec un gouvernement dans lequel le poids des “Indépendants de l’administration” est de 52% en tenant compte du poids des portefeuilles et de 40% en nombre de portefeuilles. Nous reviendrions dans le schéma de Ben Ali, le gouvernement est peu politique et les ministres sont principalement issus de l’administration. Il y a des compétences au sein des partis, nous ne voyons vraiment pas dans une phase de responsabilité des politiques, ce qui justifierait ce choix. Les réformes ont rarement été initiées par les gens du “système”, car on a toujours du mal à se remettre en cause quand on a vécu des dizaines d’années dans un environnement.

Enfin, je vois que nous nous faisons attaquer, Afek Tounes et moi-même personnellement, sur la question de l’architecture globale de ce gouvernement. Comme si nous en avions la responsabilité! Tout choix incombera à Nidaa, premier parti du pays et donc responsable de cette architecture.

Nous avons cependant, et c’est notre droit, une opinion sur le sujet. C’est en fait le deuxième point sur lequel il y a eu une erreur de démarche. Un gouvernement est tiré par un programme politique soutenu par une coalition politique quand on n’a pas une majorité confortable. Nidaa a certes gagné mais n’a pas la majorité, il doit faire un choix en face d’une orientation. Or le choix est difficile. Il ne peut pas s’allier avec son adversaire, bien sûr Ennahdha. Il n’a pas pu monter une alliance à gauche avec le Front Populaire, avec des divergences sur les programmes et peut-être d’autres points. Il a dû considérer une alliance avec l’UPL avec une tentative de passage en force qui n’est pas passée car en plus de la fragilité de cette alliance contre nature, l’opinion publique et les acteurs économiques et sociaux ne voient pas le succès d’un tel gouvernement.

Donc quelle solution, de notre point de vue, pour l’architecture politique?

Le noyau dur peut être enrichi par des partis ayant quelques députés à l’Assemblée, comme Afek, Moubedera et autres. Cela peut composer le noyau de la coalition gouvernementale, mais ne pourra pas dépasser les 115-120 députés et une assise électorale de 1,6 million d’électeurs. Un gouvernement qui souhaite entamer des réformes sérieuses démarre fragilement avec un appui aussi peu confortable.

On réforme plus dans le cadre d’un support plus large. Le CPR et Tayar ont déclaré qu’ils ne rejoindraient pas un gouvernement autour de Nidaa. Reste le Front populaire et Ennahdha. Pour des raisons différentes, l’un probablement sur le programme, l’autre étant l’ancien dirigeant du pays qui a perdu les élections, ils ne peuvent pas ou ne veulent pas (ou Nidaa ne veut pas) être des alliés autour de Nidaa. Cependant, les deux formations politiques pourraient envisager dans le cadre de l’intérêt national une participation symbolique qui ne correspond pas nécessairement à leur poids à l’Assemblée et au sein de la population, mais le pays ayant besoin d’une période de stabilité politique qui permet d’entamer des réformes de fond sur lesquelles ils seraient d’accord.

C’est dans ce cadre qu’Afek Tounes a entamé des discussions avec tous les partis pour voir s’il y a une ouverture vers un schéma qui contribuerait à mettre notre pays sur les bons rails de la réforme et redonner un espoir pour l’avenir. Ni plus ni moins, nous n’avons parlé d’aucun portefeuille ministériel ou autre avec le chef de gouvernement désigné, nous essayons de contribuer, modestement, à bâtir un schéma gagnant pour la Tunisie”.

Yassine Brahim