L’économie souterraine et le commerce parallèle creusent le déficit commercial de la Tunisie

Le creusement du déficit commercial de la Tunisie est essentiellement causé par le renforcement de l’économie souterraine, a déclaré l’expert économique spécialisé dans les crises financières Mourad Hattab.

Dans une déclaration à TAP, il a souligné que la croissance de l’économie souterraine, notamment le commerce parallèle, le blanchiment d’argent et la création de sociétés écrans, outre la propagation des crimes économiques et fiscaux, est passée de 22% (avant janvier 2011) à 53,4% actuellement.

Et d’ajouter « que les réseaux de l’économie parallèle en Tunisie attirent une main d’oeuvre très importante (des millions de personnes) qui travaille dans des conditions précaires et sans aucune couverture sociale».

Cette situation, précise encore le responsable, est à l’origine « d’une hémorragie fiscale » estimée à 9780 millions de dinars (MD). En effet, ces activités ne participent qu’à hauteur de 1,7% aux ressources fiscales globales de l’Etat, selon un rapport réalisé, en mai 2014, par la Banque mondiale sous le thème: «la richesse inachevée ».

Pour Hattab, le développement du commerce parallèle est expliqué par « la propagation du phénomène du terrorisme dont le financement est tributaire de la contrebande, des financements extérieurs et des transferts financiers hors canaux structurés».

Le creusement du déficit commercial réduit la capacité de la Tunisie à honorer ses engagements
«Il est impératif d’adopter des dispositions urgentes à même de maîtriser le creusement du déficit commercial du pays qui a atteint en 2014, 13635,9 MD, contre 11808,2MD en 2013, selon les dernières données publiées par l’Institut national de la statistique (INS) », précise encore l’expert.

Le gouverneur de la banque centrale de Tunisie (BCT) Chedly Ayari a exprimé plusieurs fois son inquiétude de la poursuite du déficit de la balance commerciale qui est passé de 3,3% du PIB en 2013 à 8,9% en 2014.

Les prévisions tablent sur un déficit de 7,5% du PIB en 2015. Ayari a, en outre, mis en garde contre cette situation qui peut, selon ses dires, causer un dangereux glissement.

«La situation pourrait s’aggraver si le gouvernement de Habib Essid ne prendra pas des dispositions urgentes visant à maîtriser le gap entre les exportations et les importations au cours des prochains 100 jours », souligne encore Hattab.

Et d’ajouter que si cet écart persiste, le pays aura des difficultés à honorer ses engagements, notamment, au niveau du service de la dette qui passera de 4275 MD à la fin 2015 à plus de 6700 MD au début 2018. La hausse est expliquée par les crédits accordés à la Tunisie de 2012 aux 10 premiers mois 2014 (plus de 22130 MD sans compter les dons estimés à 5100 MD).

Cette conjoncture a causé une régression annuelle de 7% en moyenne du dinar par rapport à l’Euro et au dollar, au cours des trois dernières années, ce qui a influencé le coût de production au sein des entreprises, l’activité économique en général et le pouvoir d’achat des citoyens qui a enregistré une baisse annuelle de 10% en moyenne.

Nécessité de booster l’exportation, rationaliser l’importation et lutter contre l’économie informelle

Les mesures urgentes, selon Hattab, consistent à injecter 2200 MD dans le système financier tunisien, selon les estimations du Fonds Monétaire International (FMI) et d’autres institutions financières internationales, afin de soutenir l’effort des entreprises, d’améliorer la production et la consommation et de créer davantage d’emplois.

Il s’agit en outre d’entamer la réalisation progressive de 581 projets programmés. L’impulsion de l’économie structurée est, selon Hattab, de nature à atténuer le phénomène de l’économie informelle devant être intégrer dans le circuit économique organisé.

Il a souligné la nécessité d’œuvrer, au cours des prochains mois, à impulser les investissements public et privé, lesquels ont enregistré, depuis 2012, une baisse dépassant 22% en moyenne annuelle et à accorder un intérêt particulier aux secteurs du tourisme et de l’exportation qui garantissent la liquidité.

Ces mesures visent encore à rationaliser et à contrôler davantage les importations, outre le renforcement de l’exportation à travers la révision de la fiscalité et les législations qui l’organisent d’une manière générale.

Il s’agit en outre de lutter contre le phénomène de l’économie informelle et du commerce parallèle et d’intensifier le contrôle sur les sociétés offshore. L’expert a appelé à dynamiser davantage les systèmes de lutte contre le blanchiment d’argent et assurer leur conformité aux règles régissant les transferts outre la consolidation du système sécuritaire en vue de lutter contre la contrebande dans les zones frontalières.