La culture dans les programmes électoraux : Une présence timide d’un secteur qui demeure marginalisé

Bien que le secteur culturel dans toutes ses disciplines et expressions artistiques en Tunisie ait connu certains remous au cours des trois dernières années, la majorité des partis et listes indépendantes en lice pour les élections législatives du 26 octobre 2014 ne semble pas s’intéresser suffisamment aux attentes des hommes de culture ni à leurs préoccupations.

Selon des témoignages recueillis par l’agence tap, des hommes et femmes du secteur ont affirmé qu’à l’exception d’un nombre réduit de partis, la question culturelle ne figure pas, comme il se doit, dans les points inscrits dans les programmes électoraux, où les volets économique et social constituent la priorité.

Cet état de lieux est dû, selon eux, soit à l’absence de prise de conscience des politiciens quant à l’importance de la culture et son rôle dans la résolution des problèmes économiques et sociaux du pays, soit à leurs réserves à l’égard de ceux dont les opinions et convictions peuvent “déranger”.

Pour d’autres, la question culturelle demeure timide dans les programmes électoraux du fait que les questions les plus “urgentes” concernent aujourd’hui les domaines de la politique et du développement en cette période transitoire.

La culture une partie intégrante du développement

Dans ce sens, le chercheur universitaire Dr Chokri Mabkhout a fait observer qu’à travers ce qu’il a pu suivre dans les émissions, “tout ce qui a été dit sur la culture ne sort pas du cercle des généralités et des principes vagues”. La culture, a-t-il précisé, n’est pas un complément mais une partie intégrante du progrès social et du développement tels que définis par l’Unesco.

A cet égard, il faudrait, selon lui plaider pour “un dialogue citoyen” qui repose sur l’identification réelle et objective de l’état des lieux du secteur en vue de parvenir à l’élaboration d’une véritable politique culturelle. En effet, “la culture est l’unique garant de l’unité de la société”, une unité qui nécessite un travail de longue haleine ainsi que la participation d’experts dans l’élaboration de politiques réelles touchant la culture dans son acception globale.

Quant à Mokded Sehili, président du syndicat des chanteurs professionnels, il a relevé que le secteur culturel, est resté marginalisé même après la révolution. Candidat aux élections législatives en tant que tête de la liste indépendante “Voix des artistes” pour la circonscription de l’Ariana, il a affirmé que les projets et programmes culturels sont quasi-absents bien que la culture demeure l’épine dorsale de toute réforme.

 L’homme de culture ne peut pas être embobiné

Ne niant pas la présence de certains points dans les programmes électoraux des grands partis, il a mentionné que ceci constitue la dernière chance qui se prête aux candidats pour se rattraper après trois ans de marginalisation dans le secteur de la culture selon ses dires.

Bien qu’il ait assisté parmi tant d’autres artistes à l’une des rencontres “de propagande” de l’un des partis politiques, ce qui a suscité une grande polémique dans les réseaux sociaux et le milieu culturel, il a tenu à préciser que l’homme de culture “ne peut pas être embobiné” faisant illusion à la tentative de certains partis politiques à exploiter les artistes lors de leurs campagnes électorales.

Il a, dans ce sens, tenu à signaler que “les politiciens nous considèrent des dupes et chacun veut attirer les intellectuels et artistes à sa manière mais personne ne peut nous tromper car nous ne sommes pas un élément de décor”. Et d’ajouter “Nous voulons faire partie de l’échiquier politique pour pouvoir dire notre mot, car seuls les hommes de culture sont les mieux placés pour définir leurs préoccupations”.

Partageant son avis, la cinéaste Selma Baccar, membre de l’ANC et candidate aux élections législatives pour la liste “L’union pour la Tunisie” (UPT), a estimé que la période qu’elle a passé au sein de l’ANC, lui a permis de se rendre compte de la vision réelle des politiciens à l’égard du secteur, en rappelant la tentative de certains de limiter la liberté de la création en tant que droit, dans la nouvelle Constitution.

Elle a, par ailleurs, souligné que l’appui de l’Etat aux artistes et aux intellectuels ne consiste pas uniquement à leur fournir des aides financières, mais à mettre en place des lois qui garantissent leur libre expression ainsi que leurs droits.

Elle a, d’autre part, évoqué l’absence de programmes culturels dans les prisons estimant que la culture est susceptible d’aider à l’encadrement du prisonnier en vue d’en faire un bon citoyen. Dans le même esprit, elle a regretté le fait qu’aucun des programmes électoraux n’ait prêté attention à l’importance des espaces et d’activités à caractère culturel dans les établissements éducatifs.

De son côté, Wissem Gharsallah trésorier de l’Union des artistes plasticiens tunisiens (UAPT) a relevé que certains partis notamment ceux qui ont représenté la Troika lors de la période écoulée, ont eu l’occasion de prendre note des revendications des intellectuels et des artistes. Toutefois la concrétisation des promesses électorales ne sera pas facile sans l’appui, sinon, la pression des différentes composantes de la société civile.

Bien que “le développement de la société est tributaire de la culture” a-t-il ajouté, il est regrettable de voir que la majorité des partis en lice, ne comporte pas de grands noms d’intellectuels, d’universitaires ou d’experts comme c’est le cas dans le domaine économique.