Tunisie-15 octobre 1963 – 15 octobre 2014 : Glorieuse Bizerte !

Occulté par le régime déchu du président Ben Ali, la commémoration du 15 octobre 1963 retrouve aujourd’hui ses lettres de noblesses. Celui-ci a dépassé le cadre de la Tunisie. La Tunisie avait engagé une bataille sur le terrain tunisien mais aussi sur la scène internationale, notamment à l’ONU (Organisation des Nations unies), où elle avait été appuyée par les pays nouvellement indépendants d’Afrique et d’Asie. Et même au-delà.

15 octobre 2011. Le président de la République de la première période de transition, qui suit, en Tunisie, le déclenchement de la révolution du 14 janvier 2011, Foued Mebazaa, et le gouvernement au complet conduit par le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, se retrouvent devant le monument au cimetière des martyrs de Bizerte.

La première chaîne de la télévision publique tunisienne, devenue, depuis les premiers jours de la révolution, Al Wataniya 1, diffuse de nombreux extraits de la cérémonie. Elle présente notamment une scène au cours de laquelle les premiers responsables du pays se retrouvent, sous une pluie battante, avec des militants bizertins qui ont mené la bataille de Bizerte (1961-1963) et qui s’est terminée par l’évacuation de l’armée française le 15 octobre 1963.

Fin de 82 ans de présence militaire française

L’événement était resté dans la mémoire -et pour cause- de tous les Tunisiens qui avaient vécu une période héroïque du pays. «Le 14 octobre, le contre-amiral Vivier, dernier commandant de la Base stratégique de Bizerte, signe l’ordre du jour dont une partie indique: «La mission à Bizerte des forces armées françaises prend fin». Le lendemain, le 15 octobre, le capitaine d’artillerie, Louis Muller, amène le pavillon français, mettant ainsi fin à 82 ans de présence militaire française à Bizerte. (Voir, à ce propos, Patrick-Charles Renaud, «La bataille de Bizerte (Tunisie) 19 au 23 juillet 1961», éd. L’Harmattan, Paris, 2000, pp. 14-15)

La bataille déclenchée, donc, en juillet 1961 finira par la rétrocession par la France de la base militaire de Bizerte qui constitue le dernier épisode de l’indépendance de la Tunisie. La ville a chèrement payé cette lutte finale. «Un communiqué officiel tunisien fera état d’un total de 630 morts et 1.555 blessés». (Voir, à ce propos, Tahar Belkhodja, «Les trois décennies Bourguiba. Témoignage», éd. Publisud, Paris, 1998, p. 59).

La commémoration de l’événement avait, ce 15 octobre 2011, un goût particulier. Il a constitué, pour ainsi dire, un certain retour aux sources. Après avoir un temps accepté que l’anniversaire du 15 octobre 1963 soit fêté et chômé, l’ancien président déchu, Zine Al Abidine Ben Ali, avait décidé de l’enlever de la liste des journées chômées.

Une valeur très symbolique

Ce qui n’était pas du goût de nombreux Bizertins et de militants pour l’indépendance de la Tunisie qui en ont vu un mauvais signe. Le président déchu avait, pour eux, envoyé un message qui ne prenait pas en considération la valeur très symbolique de l’événement.

Ce dernier constitue encore aujourd’hui un événement glorieux qui a dépassé le cadre de la Tunisie. La Tunisie avait engagé une bataille sur le terrain tunisien mais aussi sur la scène internationale, notamment à l’ONU (Organisation des Nations unies), où elle avait été appuyée par les pays nouvellement indépendants d’Afrique et d’Asie. Et même au-delà. «Le 25 août 1961, l’Assemblée générale de l’ONU condamne la France en adoptant une résolution des pays afro-asiatiques par 66 voix contre 0 pour et 30 abstentions en l’absence de la délégation française qui la rejette aussitôt». (Tahar Belkhodja, cité plus haut, p. 49).

Bien au-delà de la Tunisie, l’événement a été, en effet, perçu comme une grande victoire sur le colonialisme. Et c’est, donc, tout à fait normal que le colonel Jamal Cadenasser, alors grand leader du monde arabe et héraut du nationalisme arabe triomphant, fait, le 15 décembre 1963, le déplacement de Bizerte pour fêter avec Bourguiba, auréolé d’une nouvelle victoire sur le colonialisme français, l’évacuation de Bizerte.

Rien de plus normal que de nombreux Bizertins et militants de l’indépendance de la Tunisie n’aient pas apprécié la tiédeur des festivités marquant l’anniversaire du 15 octobre 1963. Le président déchu se déplaçait certes à Bizerte pour poser une gerbe de fleurs au monument du cimetière des martyrs. Mais c’était pratiquement tout. Ni programme spécial dans les médias encore moins des grands meetings marquent l’anniversaire.

D’ailleurs, il faut dire que le 15 octobre 1963 n’était pas le seul événement que le 7 Novembre a voulu occulter. Il y a également celui du 18 janvier 1952 qui marque le déclenchement de la grande révolte tunisienne sur le colonialisme français. En cette date, la France avait décidé d’arrêter une vingtaine de militants destouriens, dont le leader Habib Bourguiba, et les avait éloignés dans le sud tunisien.

Trois jours plutôt (le 15 janvier 1952), le leader Habib Bourguiba, dans un discours historique, avait lancé un appel clair et net pour la lutte armée contre le colonialisme français. Le discours avait eu lieu à Bizerte.

Article publié le 15 Octobre 2012 sur WMC