Tunisie : La loi sur les énergies renouvelables fait polémique

L’adoption de la loi relative à la production de l’électricité à partir des énergies renouvelables, approuvée par 87 députés sur 95 présents au cours de la séance plénière, tenue jeudi, à l’ANC, a suscité des réactions mitigées.

Ladite loi permettra l’entrée, pour la première fois, d’investisseurs privés dans le domaine de la production de l’électricité à partir des énergies renouvelables, en vertu d’une autorisation octroyée par le ministre chargé de l’énergie, sachant que ce domaine était du seul ressort de la STEG (Société Tunisienne de l’électricité et du gaz ).

Le gouvernement estime que la loi permettra d’impulser l’activité économique à travers la promotion de nouveaux domaines d’investissement et d’améliorer, par conséquent, la croissance et de créer davantage d’emplois.

L’importance de l’investissement dans le domaine des énergies renouvelables apparaît à un moment où la balance énergétique devient déficitaire suite à la régression des exportations du pétrole brut (11%) et l’augmentation des ventes de la Tunisie de gaz naturel (66,9%).

Le ministre de l’Industrie, de l’énergie et des mines, Kamel Bennaceur a précisé dans une déclaration à l’agence TAP, que « ladite loi résulte d’un dialogue national qui a concerné tous les gouvernorats du pays et d’un travail participatif entre les ministères concernés».

Cela, a-t-il affirmé, ne signifie pas la privatisation du secteur mais cette loi s’inscrit plutôt dans le cadre de la dynamisation du partenariat public-privé (PPP). Il a affirmé « qu’il n’y a aucune intention de privatiser la STEG », insistant sur l’attachement du gouvernement à la préservation de la vocation de la société qui s’est fixée comme objectif de multiplier par deux fois et demi sa capacité de production à l’horizon 2030.

Bennaceur a avancé que la STEG va mobiliser au cours de la prochaine période un volume important d’investissements qui permettra particulièrement de créer trois générateurs d’électricité à Sousse et à Radès (gouvernorat de Ben Arous) ainsi qu’à Mornaguia (gouvernorat de la Manouba). Le ministre a fait savoir que la Tunisie ambitionne de couvrir 30% de la consommation nationale en énergie à travers les énergies renouvelables à l’horizon 2030, et de réduire de moitié le coût de l’électricité.

Il a souligné que son département poursuit le dialogue avec les différentes parties syndicales qui ont refusé catégoriquement ce projet, à cause de l’ambiguïté de la loi, indiquant que les textes législatifs qui seront bientôt mis en œuvre permettront de simplifier les concepts contenus dans ladite loi.

Dans le même cadre, Enafti Mahthi, rapporteur de la commission de l’énergie, a déclaré à TAP que, contrairement aux informations véhiculées, cette loi n’aura pas d’impact sur la STEG qui maintiendra son monopole dans le secteur du transport et de distribution d’électricité.

La version finale de la loi comporte trois chapitres, à savoir, «l’autoconsommation», «la consommation locale» et «l’exportation». Le premier chapitre concerne les grands consommateurs d’énergie qui peuvent désormais produire leur propre électricité, alors que le deuxième chapitre a trait à l’octroi de permis et de cessions aux investisseurs tunisiens et étrangers et leur interdit d’exporter. Le troisième chapitre est axé sur l’exportation. Il s’agit de l’octroi de la cession d’exportation vers l’extérieur qui sera gérée par une loi.

L’Etat recevra en contrepartie un revenu qui sera fixé ultérieurement par le ministère. Mahthi a, par ailleurs, ajouté que parmi les nouvelles dispositions inscrites dans le cadre de cette loi, figure la création d’une instance spécialisée chargée d’organiser le secteur des énergies renouvelables.

Toute contestation de la part de l’investisseur, la STEG ou du ministère de l’industrie, sera adressée à cette instance, a-t-il ajouté. La composition de cette instance et sa mission seront fixées par un arrêté du ministre en charge. Les parties syndicales ont maintenu leur position de refus de cette loi malgré son adoption par l’ANC.

Le secrétaire général de la fédération générale de l’électricité Abdelkader Jelassi a annoncé que la fédération recourra au tribunal administratif pour bloquer l’exécution de cette loi. Il a ajouté dans une déclaration à l’agence TAP, que la fédération, relevant de l’UGTT, portera plainte contre le gouvernement actuel et l’ANC étant donné que l’adoption de cette loi stratégique s’est passée en présence de 48% des députés seulement.

Jélassi a noté que la commission de l’environnement de l’ANC n’a pas donné son avis sur la loi et in n’a été tenu compte que de l’avis de la commission de l’énergie, estimant que plusieurs aspects de la loi ont un caractère environnemental.

Et d’ajouter que la fédération réunira lundi son comité sectoriel pour examiner les mesures qu’elle va prendre au cours de la prochaine période, rappelant la tension qui règne au sein de la STEG en raison de cette loi relative à la production de l’électricité à partir des énergies renouvelables.