Riadh Hedhili : Amateurisme, manque d’infrastructure et législation rigide empêchent le volley-ball tunisien de décoller”

En neuf participations au championnat du monde de volley-ball et six jeux olympiques, la sélection tunisienne masculine a rarement été à la hauteur des attentes en accumulant les contre-performances et se faisant éliminer dès les premiers tours souvent sur des scores très sévères (0-3), excepté la dernière édition du mondial 2006 au Japon qui a vu les Aigles de Carthage atteindre le second tour.

Pour beaucoup de spécialistes et observateurs, les résultats sont très décevants et il est urgent de se pencher sur la question et trouver des solutions afin de permettre au volley- ball tunisien de décoller réellement et de se rapprocher du véritable haut niveau.

L’envoyé spécial de l’Agence Tunis Afrique Presse à Katowice, où l’équipe tunisienne dispute actuellement le premier tour du championnat du monde (Pologne-2014), a sollicité l’avis d’un spécialiste en la matière, Riadh Hedhili, ancien joueur international et entraîneur national adjoint, qui a livré ses impressions dans l’interview suivante:

Question: Les Mondiaux et les jeux olympiques se succèdent, les noms des joueurs et des entraîneurs changent, mais les résultats restent toujours les mêmes. Comment expliquez-vous cela?

Réponse: Je pense que les résultats de la sélection nationale dans les différentes compétitions internationales étaient logiques vu la différence de niveau et des moyens qui nous séparent des grandes nations du volley-ball mondial. En Europe, en Amérique ou même en Asie, le volley-ball est professionnel au sens propre du terme alors qu’en Tunisie nous en sommes encore au stade de l’amateurisme.

Nous ne pouvons comparer un joueur qui s’entraîne quotidiennement six heures par jour et perçoit des salaires faramineux à un autre qui ne peut consacrer à son sport que 3 heures au maximum.

Autre réalité, c’est que le volley-ball qui est le premier sport dans le monde en terme de licenciés, est pratiqué dans presque toutes les régions du monde et de ce fait, on trouve de fortes équipes dans tous les continents ce qui donne des tournois de haut niveau, contrairement au handball où la lutte se limite souvent entre les pays européens.

Question : Vous avez évoqué le professionnalisme, mais la loi tunisienne interdit aux joueurs de quitter le pays pour une aventure professionnelle avant l’âge 30 ans. Qu’en pensez- vous?

Réponse : C’est en effet le plus gros handicap du volley-ball tunisien. Ce règlement est une véritable plaie dans la carrière des joueurs tunisiens. Beaucoup ont reçu de nombreuses propositions des clubs européens où asiatiques au début de leur carrière à l’âge de 20 et 21 ans, mais leurs clubs ont refusé de les libérer, en se basant sur cet article. Pis encore, même si un joueur est en fin de contrat avant qu’il n’atteigne l’âge de 30 ans, il n’a pas le droit de signer en faveur d’une autre équipe sans l’autorisation préalable de son club d’origine.

Les responsables doivent absolument revoir ce règlement car il empêche le volley-ball tunisien de se développer et il nuit aussi bien aux joueurs qu’à l’équipe nationale. Aujourd’hui, il est clair que seul le professionnalisme fera avancer les choses et il est urgent de modifier les règlements afin d’ouvrir de nouveaux horizons à nos joueurs et cela ne pourra que profiter à l’équipe nationale qui a besoin de joueurs expérimentés et pratiquant le haut niveau. Les clubs doivent être conscients de cela et compréhensifs pour le bien de l’équipe nationale.

Question: Qu’en est-il de l’infrastructure et de la formation. Est-ce que le volley-ball tunisien manque de moyens dans ces domaines?

Réponse: Il y a une énorme différence entre la formation d’un joueur tunisien et celle d’un étranger. C’est incomparable surtout sur le plan physique. Le joueur étranger commence le travail de musculation entre 11 et 12 ans, contrairement au tunisien qui souffre de beaucoup de problèmes à ce niveau-là. Des clubs comme le CO Kélibia, l’AS Haouaria, le CS Hammam-lif, le Sfax RS ou autres, spécialistes dans la formation, souffrent énormément du manque de moyens matériels et de l’absence de salles de musculations.

En Tunisie, ce problème concerne presque tous les sports collectifs. Nous pouvons tenir tête à des adversaires forts jusqu’à une certaine catégorie : les cadets, mais ensuite lorsque le joueur arrive en juniors et qu’il se dirige vers les séniors, sa constitution physique s’affaiblit et ne lui permet plus de tenir le rythme à cause du manque de préparation physique.

Autre handicap, l’encombrement des salles de compétitions en Tunisie qui accueillent quotidiennement des dizaines de sportifs dans toutes les disciplines collectives (basket-ball, handball et volley-ball, sport féminin ou football). Cela influe négativement sur le travail de l’équipe qui est obligée de raccourcir les séances d’entraînement. L’intérêt accordé par la fédération tunisienne de volley-ball aux catégories des jeunes, notamment dans les centres de promotion du sport, reste toutefois insuffisant.

De nombreux joueurs décident d’arrêter pour plusieurs raisons notamment les questions de l’emploi du temps scolaire et des entraînements outre les problèmes de transports. Il est impératif de revoir toutes ces questions et de les résoudre pour améliorer la situation du volley-ball tunisien et le rapprocher du haut niveau.