Saber Mansouri : Avec “Je suis né huit fois” j’abandonne ma canne d’essayiste

Abandonnant sa canne d’essayiste comme il le dit, Saber Mansouri, lauréat du Comar d’Or 2014 pour son roman en langue française “Je suis né huit fois” présente son récit romanesque comme un roman d’une génération de Tunisiens “la mienne, celle des années 70, 80 et 90”.

Avec ce premier roman publié aux Editions parisiennes Seuil, il est primé pour la première fois dans son pays natal. Les yeux brillants, et dans la fluidité des mots il confie “Ce prix est très symbolique et je suis sincèrement ravi d’être primé ici en Tunisie car ce roman est purement tunisien, je le suis et j’en suis fier”.

Très connu à l’étranger, Saber Mansouri espère qu’à travers ce roman, pouvoir renouer le contact et le dialogue avec “mes compatriotes en Tunisie”.

// La Montagne Blanche: un lieu unique, qui triomphe tout au long du roman //

L’histoire de “Je suis né huit fois” a-t-il déclaré dans une interview accordée à l’agence TAP, se passe à la Montagne Blanche et se termine par le triomphe de la figure de ce lieu, qui apparaît selon lui “comme une cité idéale plus sublime et plus humaine que l’Atlantique de Platon”.

Dans ce voyage à travers les mots, il livre, comme il le dit, “le don de la vie, qui naît d’une fusion entre un jeune enfant qui s’appelle Massyre et la montagne blanche, au nord ouest tunisien”. Noyau central de son livre, il parle sur un ton nostalgique d’un lieu imaginaire selon ses propos, même s’il semble réel. C’est un lieu généreux, un endroit très apprécié par tous les conquérants, à commencer par les phéniciens, les romains, les byzantins, les arabes, les ottomans et les français.

Profondément habité par ce lieu, “extrêmement riche en eau, en fruits, légumes et Hommes”, il l’évoque avec grâce ” c’est cet endroit qui donne un sens à la vie du petit garçon Massyre, qui tout en effectuant de multiples métiers, il devient professeur d’histoire de la géographie, pour remettre cette région au coeur du destin de la Tunisie et même au coeur de l’histoire de la Méditerranée” précise-t-il.

// Suiveur de chèvres, un métier pas donné à tout le monde //

“Je suis né huit fois”, c’est l’histoire aussi de ce jeune Massyre qui a fait huit métiers dont le meilleur est le suiveur de chèvres, une philosophie qu’il défend avec ténacité car ce métier n’est pas donné à tout le monde. Et c’est sa venue au monde après sept soeurs, qui donne d’ailleurs à cet enfant chuchoté selon l’auteur “une espèce de conscience précoce de la grâce féminine mais aussi des conditions des femmes”. Traversé par des femmes totalement affranchies, autarciques et généreuses, le roman donne une image “loin d’être celle dépenaillée des femmes orientales soumises à n’importe quelle forme de despotisme” explique le romancier.

L’auteur résume son roman en ces quelques lignes “J’espère vous donner à lire et à vous faire sentir un sublime mariage décrit tout au long des 70 pages. Un mariage né à la suite d’un triangle amoureux finalement résolu en quelque sorte par un tirage au sort : grands amis dans la vie, les deux sont fous amoureux d’une sublime femme. Seulement Saoudat ne va pouvoir choisir et c’est le héros du roman, Massyre (destin en arabe) qui va proposer un tirage au sort pour se départager. Il en sort perdant mais avec beaucoup de coeur, il assiste à leur mariage et accepte ainsi son destin.

// Un romancier fasciné par les figures humaines dans le silence? //

Ayant commencé à l’écrire quant il était étudiant en Tunisie, Saber Mansouri a tenu à préciser que l’écriture romanesque n’a pas les mêmes exigences que celle d’un essai. Basculant entre la fiction et le roman, je me sens épanoui et c’est pourquoi j’ai décidé de poursuive l’aventure romanesque. Bien avancé dans son prochain roman qui verra le jour en 2016, il déclare à l’agence TAP que son deuxième roman puise dans sa fascination des figures humaines qui traversent la vie dans le silence. Autour du silence et de l’oralité de l’écrit, il ne cache pas son obsession pour un sujet archaïque, plus vieux que le monde”.

Avec ce premier roman, à l’origine intitulé “Le commerce de l’enfance” -titre ambigu dans son sens archaïque- l’auteur a publié finalement ce livre après 4 ou 5 versions. De 500 pages au début, -avec une partie de pure méditation philosophique- le livre a été réduit à 70 pages à la demande des Editions Seuils pour le faire sortir dans la collection des romans de plage.