Tunisie : Ahmed Chabir se retranche derrière «l’opinion personnelle»

Entendu, ce jeudi, comme témoin à la Cour d’appel militaire de Tunis dans l’affaire des martyrs et blessés de la révolution du Grand-Tunis, Nabeul, Bizerte, Sousse, Zaghouan et Monastir, l’ex- directeur général de la sûreté militaire, le général de brigade à la retraite, Ahmed Chabir a soutenu que ses propos tenus sur le plateau d’un talk show-télévisé de la chaîne «Attounsiya», seraient « tout au plus une opinion personnelle ».

« Accusé principal (en fuite) dans l’affaire du jour, l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, n’avait donné instruction de tirer sur les manifestants qu’à l’armée nationale, a-t-il persisté à soutenir tout au long de l’audience de la matinée, niant savoir si l’ancien président avait donné des instructions dans ce sens aux forces de la sûreté nationale.

« En tout état de cause, ceci ne relevait pas de mon champ de compétence », a-t-il lancé. Convoqué à la demande des avocats de la défense et la partie civile pour être entendu comme témoin à la suite de ses déclarations de presse au sujet des évènements de la révolution, Ahmed Chabir a maintenu ses dépositions faites, le 10 juin 2011 devant le juge d’instruction.

Selon ses dépositions, Ben Ali et sa haute hiérarchie sécuritaire étaient responsables de ce qui s’était passé lors de la fronde populaire, en recourant au tout sécuritaire et à l’usage excessif de la force.

D’où, selon lui, le nombre élevé de victimes tombées en si peu de temps. Interpellant le témoin, l’avocat de la partie civile, Me Anouar Bassi a estimé qu’il aurait été plus approprié de joindre au dossier l’enregistrement de l’émission dans laquelle s’était exprimé Chabir.

L’avocate Leila Haddad a eu, elle aussi, à interroger le témoin sur les raisons ayant conduit le témoin à dévoiler des faits après trois années de mutisme, alors que l’affaire est encore pendante devant la justice, affirmant que l’obligation de réserve lui interdit de faire de déclarations qu’après 10 ans à compter de la date de son départ à la retraite.

Chabir s’en défend. Il affirme que ces déclarations sont tout au plus des déductions personnelles et une simple opinion, ce qui a conduit l’avocat Slaheddine Hajri à s’interroger sur « l’utilité d’entendre un témoin qui camoufle la vérité ».

L’avocat Mounir Ben Salha a, lui, comparé le statut du témoin durant la période du 1e février au 2 mars 2011 au cours de laquelle il était directeur général de la sûreté nationale avant son retour à la direction générale de la sûreté militaire, à celui de ses clients Adel Tiouiri et Lotfi Zouaoui, accusés dans cette même affaire.

A cet égard, il a rappelé qu’au cours de cette même période, une certain nombre de victimes avait été enregistré, entre morts et blessés. Le témoin a répliqué en affirmant que ses instructions étaient de ne pas tirer sur les manifestants et de faire preuve de retenue.

Il a, en outre, nié avoir diligenté une enquête administrative à la suite des pertes humaines du 17 février 2011 car, selon lui, cela relevait de la compétence de l’inspection du ministère qu’il dit ne pas avoir été en mesure de l’interroger sur la question, au motif qu’il n’était resté en fonction que quelques semaines.

Au vu des dépositions du témoin, l’avocat Imed Ben Hlima a demandé à la cour de l’inculper de « faux témoignages » et de l’écrouer, arguant de ses propos télévisés qui étaient en contradiction avec ce qu’il soutenait jusque là.

Le représentant du ministère public est allé encore plus loin en qualifiant de « très dangereuses pour les institutions de l’Etat » les assertions du témoin lors de l’émission de télévision en question, outre qu’elles constituent « un acharnement contre certains accusés, tantôt à décharge, tantôt à charge ».

Il a également reproché au témoin d’avoir manqué à l’obligation de réserve au sujet d’une affaire non encore tranchée par la justice.

Quant à l’allégation selon laquelle l’ancien président Ben Ali n’aurait pas donné instruction de tirer sur les manifestants, il a indiqué que le procédé est enseigné dans les écoles de guerre comme technique d’éluder la responsabilité du chef dans les ordres donnés.

Pour autant, le témoin a persisté à dire que l’ancien président n’avait pas donné l’ordre d’en venir aux armes lors des opérations menées par l’armée au cours de la période du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011.