Tunisie – Social : De jeunes handicapés en quête d’estime de soi et d’un autre regard de l’autre

D’une salle située au milieu de l’Institut supérieur de l’éducation spécialisée (INES), le bruit des machines à coudre révèle une véritable ruche où des jeunes filles s’activent dans l’art de la broderie et de la couture.

Des apprenants, âgés entre 12 et 15 ans, atteints de différentes déficiences mentale, motrice, sensorielle, ou encore des enfants ayant des troubles d’apprentissage (dyslexie, dysorthographie) suivent au sein de l’Institut une formation professionnelle ou pédagogique à la recherche d’estime de soi et d’une confiance en l’autre pour pouvoir dépasser le regard de dédain qu’ils trouvaient dans leur entourage.

Une dizaine de jeunes filles, prises par le travail sans se soucier du monde qui les entoure, sont concentrées sur l’apprentissage que leur apporte la monitrice.

Le regard perdu, la jeune Sameh peine à comprendre les instructions de la formatrice. Cependant, elle est loin de céder et se mobilise pour accomplir l’exercice demandé.

Ne cachant pas sa peur, la formatrice en couture Rym Manaîi avoue qu’elle trouve des difficultés à leur expliquer le cours en raison de leurs déficiences mentales.

Elle évoque même les risques dans l’exercice de son travail dûs “aux comportements, des fois agressifs, inattendus et inconscients” de certains apprenants qui traduisent par des gestes violents le blocage de compréhension et d’assimilation.

“Nous devons prendre en considération la fragilité de leur état psychologique et la possibilité de changements de leur humeur à tout moment”, a-t-elle expliqué.

La psychologue et chef de service à l’institut, Faten Jawani a souligné que la majorité des apprenants souffrent de difficultés scolaires, cognitives, psychologiques et de concentration. Les causes de ces déficiences sont souvent les séquelles de problèmes vécus en milieu familial et social ou encore dûes aux retombées de l’exclusion dont ils sont victimes, a-t-elle expliqué. Ce mal être provoque des cas de dépression qui peuvent dégénérer et aggraver les maladies mentales chez ces enfants.

D’autres enfants handicapés sont victimes de maltraitance et parfois d’abus sexuels par des proches ou dans leur entourage accentuant leurs souffrances et portant préjudices à leur état de santé, a-t-elle ajouté. elle cite le cas d’un jeune handicapé qui a été violé dans un bain maure aggravant ainsi son handicap.

Ce jeune a pu toutefois dépasser ce drame grâce au soutien des psychologues et éducateurs spécialisés de l’institut et retrouver son équilibre et espoir dans la vie.<br><br>L’accompagnement de ces jeunes se traduit aussi à travers les activités théâtrales ou de peinture.

ces activités permettent aussi de révéler les cas de maltraitances et aider ces enfants à dépasser leurs souffrances.

A l’atelier de pâtisserie, Wissem Yahyaoui, cherche à transmettre les abc d’un métier qui peut aider ces jeunes handicapés à trouver un emploi, être économiquement autonomes et réussir ainsi leur intégration dans la société.

“cet effort doit être conforté par un encadrement académique garantissant la réussite de l’apprentssage pratique”, explique Wissem.

Une action noble qui ne dissimule pas des lacunes. L’INES est, selon Tarek Sokraf, sous-directeur de l’institut, la seule institution publique spécialisée dans la prise en charge et la formation des personnes atteintes de déficience mentale. Toutefois, l’effort déployé par une équipe spécialisée ne dissimule pas certaines lacunes.

“Le manque de spécialisation des formateurs en matière de prise en charge de jeunes handicapés constitue un véritable problème”, a expliqué Fraj Jlassi, formateur exerçant à l’Institut depuis 23 ans.

“La situation professionnelle des formateurs contribue, elle aussi, dans certains cas, à aggraver les problèmes puisque certains ne bénéficient pas de leurs droits professionnels. En outre certaines formations ne correspondent pas aux attentes et aux capacités intellectuelles des apprenants”, a-t-il regretté.

Des problèmes apparaissent aussi au niveau de l’insertion des jeunes diplômés de l’Institut sur le marché de l’emploi en raison d’une mentalité des chefs des entreprises qui sous- estiment les capacités et les aptitudes de ces jeunes.

Pour enraciner auprès de ces apprenants l’esprit de volontariat et les inciter à s’attacher à cette formation, des activités d’animation sont organisées à l’institut.

“Nous avons constaté qu’en permettant à ces apprenants de se sentir utiles, ils sont capables de nous surprendre par leurs talents et leurs aptitudes à réussir. Ils partagent tous le même souci, celui de vaincre leur handicap”, a précisé Mme Jawani, psychologue.

En fait, ce qui a été difficile à dire par ces apprenants est devenu facile à exprimer par l’art et le sport en excellant dans les compétitions sportives en être en droit ainsi de revendiquer un autre regard plus valorisant de l’autre.