Voyage au pays du Soleil Levant

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L’espace de quelques jours, un groupe de journalistes africains ont pu vivre la culture japonaise dans ce qu’elle a de plus authentique à l’occasion du voyage d’étude organisé à leur intention par le ministère japonais des Affaires étrangères. Au point que l’évènement auquel ils étaient conviés en paraissait presque initiatique. La Conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique (Yokohama 1-7 juin 2013) leur offrit en effet la chance d’être au contact direct avec la culture nipponne, au gré d’un périple à travers plusieurs villes de l’archipel.

Ce qu’ils ont découvert mérite de servir de source d’inspiration aux nations africaines dans leur quête de progrès et de chemins innovants. Les membres de la délégation africaine de journalistes ont surtout perçu et percé quelques uns des secrets de l’extraordinaire success story du géant asiatique. Rien, pourtant, ne vouait à un tel destin un peuple dépourvu de richesses naturelles. A force de labeur, de volonté et d’inventivité, il ne lui en fallut pas plus de quelques décennies pour renaître de son effroyable désastre de la guerre et devenir l’une des toutes premières puissances économiques de la planète.

L’hypothèse de la qualité du système d’enseignement et de la course effrénée à la compétitivité leur parut trop courte pour expliquer la rapide métamorphose. C’est que, à la base de cette miraculeuse résurrection, il y avait aussi et surtout toute une philosophie de vie, des règles bien codifiées et respectées du vivre ensemble et des valeurs culturelles ancestrales réadaptées aux impératifs des temps modernes.

Quiconque visite le Pays du soleil levant à la recherche des clés de sa réussite ne tarde pas à découvrir, à travers les détails de la vie des gens au quotidien, qu’à la base du succès il y a avant tout une “culture”. Celle qui fait d’idéaux une pratique et un état d’esprit de tous les jours, avec, à l’honneur, une sacro-sainte trilogie à prime abord toute simple: respect de l’autre, propreté et ponctualité.

La surprise de l’évidence du constat passée,on se rend vite compte que ce sont ces mêmes vertus qui forgent la réussite de toutes les nations développées de la Terre, d’est et d’ouest, nonobstant les spécificités culturelles, civilisationnelles et historiques qui font l’originalité et la richesse propre de chaque peuple.

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Au Japon, le respect est à ce point sacralisé qu’il est érigé en rituel démonstratif, comme pour ne laisser aucun doute à l’intention. Il devient manifestation d’humilité devant le vis-à-vis pour simplement le saluer d’une courbette. Quel que soit le rang ou le statut social du vis-à-vis. Le salut est tout simple par sa gestuelle mais ô combien éloquent par sa signification, dans un pays où le respect mutuel constitue en soi une culture devant laquelle aucune considération de rang social ne compte.

Bien d’autres signes visibles traduisent l’attachement quasi-obsessionnel au respect de l’autre. Il en va ainsi de l’absence totale de vacarme dans les rues. Il ne faut pas s’y attendre à des éclats de voix ou à des cris, encore moins à des coups de klaxon. Pourtant, les artères des villes japonaises sont très animées, voire populeuses. Tout le monde marche vite. Souvent à la limite du pas de course. Mais tout le monde s’arrête au feu rouge et il ne vient jamais à l’esprit de personne de traverser la chaussée en dehors des passages réservés aux piétons, et une fois les voitures à complétement à l’arrêt par respect de la priorité.

Le respect de l’autre est tout aussi omniprésent dans la manière de servir les gens dans les commerces et autres restaurants, hôtels, locaux publics ou entreprises. Le sourire y est toujours de rigueur, quelle que soit la nature du service demandé ou la question posée. La célérité aussi.

Le respect de l’autre trouve encore davantage sa pleine expression dans le sérieux au travail. Tout le monde s’en tient à une discipline personnelle rigoureuse et se meut sans jamais s’arrêter, à la manière des aiguilles d’une montre. Le système du travail est conçu principalement selon un modèle collectif, avec un temps d’exécution minuté. Tous les faits et gestes au sein de l’équipe de travail sont pris en compte et étudiés de manière à éviter les éventuels accidents, par ailleurs rarissimes.

La deuxième composante du trinome, la propreté, passe pour l’un des principaux attributs de la personnalité nipponne. Dans ce pays, en effet, la propreté est perçue comme une responsabilité collective. Chacun se fait un devoir d’y mettre du sien pour entretenir la propreté, d’abord en s’interdisant de ne rien jeter en dehors des containers prévus à cet effet et en s’astraignant de bonne grâce au tri sélectif des déchets.

Au Japon, l’apprentissage de la propreté commence dès l’école primaire où les enfants sont élevés dans le culte de cette valeur essentielle. Les élèves ne quittent l’école après les cours qu’après l’avoir nettoyée intégralement.

L’école primaire y dispense un enseignement en cinq volets distincts: l’enseignement des mathématiques, l’enseignement de la langue japonaise, les sciences, l’apprentissage de la vie en société et l’apprentissage des métiers manuels.

La visite effectuée dans une école primaire de Yokohama a confirmé cette approche multidisciplinaire. Bien que grouillant d’enfants, pas le moindre bout de papier ne traîne sur le parquet en bois des salles de classes, maintenus en parfait état de propreté par les écoliers eux-mêmes qui y procèdent comme dans une ruche d’abeilles.

La propreté est une règle aussi stricte que spontanée dans les villes et villages du Japon, dont chaque citoyen se considère personnellement responsable de la propreté de son pays. Nul ne s’autorise à jeter par terre un ticket de train ou même un mégot de cigarette.

D’ailleurs nous avons appris, à l’occasion d’une visite à une station d’incinération des ordures, une des 19 installations du genre de la capitale Tokyo, que la méthode de l’incinération est pratiquée à très grande échalle pour réduire le volume des déchets. Quelque 1200 stations de ce genres sont opérationnelles dans tout le pays.

La troisième et dernière branche du trinome a pour nom la ponctualité qui est l’une des caractéristiques marquantes de la culture japonaise. Les rendez-vous sont pris à la minute près et nul n’y déroge dans un pays dont le peuple a choisi depuis toujours de vivre au rythme d’un agenda quotidien pointilleux. Nous en avons été témoins pour avoir constaté la précision d’horloger avec laquelle a été organisée notre visite, depuis la minute où nous avons pris place dans l’autocar à la sortie de l’aéroport et jusqu’à notre départ.

Les horaires de départ et d’arrivée du train à grande vitesse (plus de 300 Km/h) reliant Tokyo à Kyoto sont affichés à la seconde près, sans compter que les passagers montent ou descendent du train en une petite minute, quel qu’en soit le nombre.