Quelle indépendance sans l’indépendance des médias?

Des experts dans le domaine de l’information et de la communication, ainsi que des universitaires spécialistes en la matière, ont souligné l’importance de l’indépendance du secteur de l’information en Tunisie, estimant que l’activation des décrets-loi 115 et 116, comme la création d’une instance de régulation des médias « sont autant de garanties pour la neutralité et l’indépendance du secteur ».

La non activation de ces décrets-loi et l’absence d’une instance de régulation entraînerait un retour en arrière et la réédition de l’ancien système consacrant le monopole des médias, ont-ils fait valoir mercredi, à Tunis, lors de la rencontre organisée par l’association « femmes et leadership » sur le thème : « Quelle indépendance sans l’indépendance des médias ? ».

La journaliste et universitaire, Rachida Ennaifer a appelé à inscrire le droit à l’information dans la future Constitution tunisienne, indiquant que l’avant projet de Constitution énonce, seulement, la liberté de pensée et d’expression, sans s’élever au principe du droit à l’information.

Elle a, également, appelé à la création d’un conseil supérieur indépendant de la presse, à l’activation des conseils de rédaction au sein des institutions médiatiques, ainsi qu’à l’élaboration d’un code de conduite répondant aux besoins du secteur et en phase avec les revendications professionnelles des journalistes.

« Un des résultats concrets de la révolution, a-t-elle dit, est que le secteur de l’information s’est libéré des diktats imposés par le système de dictature qui l’avait placé sous la coupe du pouvoir». Mme Ennaifer a également mis en garde contre le fait que la liberté de presse soit « entre les mains de forces et de financements inconnus cherchant à faire revenir le secteur au point zéro ».

L’intervenante a, par ailleurs, souligné la nécessité de passer de la liberté de presse au droit à l’information, insistant sur la nécessité de démanteler l’ancien système de l’information « encore actif même après la révolution ».

De son côté, le président de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC), Kamel Labidi a déploré la « lenteur » des autorités dans l’activation des décrets-loi 115 et 116 et la création de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), estimant que « l’actuel gouvernement a peur d’une presse libre et impartiale ».

Kamel Labidi s’est dit étonné que le gouvernement démissionnaire n’ait pas pris en compte les recommandations du rapport de l’INRIC, notamment en ce qui concerne les nominations opérées à la tête de certaines institutions médiatiques publiques, ce qui a « amené l’INRIC à suspendre son activité le 4 juillet 2012 ».

« Défendre une presse libre et impartiale demeure une condition sine qua non de la réussite de la réforme du secteur de l’information et l’un des vecteurs de la démocratie », a-t-il conclu. L’expert et ancien membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, Mustapha Ben Lataief a rappelé que la période post-révolution a été marquée par la promulgation de trois textes de lois garantissant l’accès à l’information et la promotion du secteur de la presse.

Il s’agit du décret-loi 41 relatif à l’accès aux documents administratifs et aux décrets-loi 115 et 116 qui « constituent des garanties juridiques en l’absence d’une Constitution ». La présidente de l’Association des magistrats tunisiens, Kalthoum Kannou a, quant à elle, estimé que la magistrature comme l’information « sont les vecteurs de la démocratie », notant que la magistrature « est le seul garant de l’information ».